La chronique du Tocard. La gauloiserie pour tous
En tant que Français, digne héritier de la "gauloiserie", je revendique haut et fort le droit d'être aussi vulgaire et grossier que celles et ceux qui assument de l'être. Quitte à dépasser parfois les bornes. En bon républicain, ma seule limite c'est la loi. La loi, rien que la loi ! Le reste, ça s'appelle la liberté d'expression, ducon.
Je peux comprendre que certains n'aiment pas mes mots, que certaines de mes paroles les choquent, voire, les blessent.
Cela pourrait être un problème si j'avais pignon sur le P.A.F (Paysage Audiovisuel Français), si je disposais d'une tribune de manière récurrente, comme c'est le cas pour quelques uns. Si je m'exprimais en prime time, sur une chaîne publique parce que la redevance télé, elle n'a pas été créée pour que des bourrins comme moi puissent se lâcher en direct devant des millions de téléspectateurs ! Ou si j'insultais quelqu'un en particulier en le, la, nommant. Mais ce n'est pas le cas !
De plus en plus, au fil grandissant de ma notoriété, on me met en garde. Je ne compte plus le nombre de fois où on m'a conseillé de me calmer. De faire attention. Bon, on me le dit jamais de manière agressive : c'est plutôt bienveillant.
Parfois, ils laissent entendre que tous mes vilains mots pourraient un jour se retourner contre moi, me desservir fortement. Pourquoi pas un lynchage sur la place publique ! C'est vrai qu'en ce moment, certains s'en donnent à cœur joie et écument les réseaux sociaux pour trouver le moindre mot de travers. Celui qui permettra à tes ennemis de t'achever !
Moi, à chaque fois qu'on essaie de me faire rentrer dans le rang de la "bienséance", ça bout à l'intérieur. J'ai l'impression d'être comme une marmite posée sur un réchaud à gaz, branchée à pleins feux, prêt à exploser. Alors au lieu d'obtempérer, je fais pire et je grossis le trait. J'ai toujours eu un goût très prononcé pour la provocation.
Je n'ai jamais compris pourquoi ma vulgarité assumée pouvait en déranger tant ? Quand on n'aime pas un garagiste, on va dans celui d'à côté. Il n'y a rien, ni personne qui oblige la populace à me lire, à m'écouter mais comme le dit Brassens, "les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux". J'ai juste envie de dire à ces empêcheurs de la langue incorrecte de s'exprimer à l'air libre de plutôt s'occuper de leurs vies.
Beaucoup de ces moralisateurs à deux balles ont besoin de se rassurer en haïssant toutes celles et tous ceux qui ne sont pas dans leur norme. Ils voient bien que je m'en cogne du regard de l'autre, quand eux en sont totalement imbibés. D'ailleurs, c'est toujours plus simple de mettre quelqu'un dans une case que d'essayer de creuser davantage. Connaître les gens, essayer de les comprendre, les juger dans leur globalité, demande un effort incommensurable, surtout quand on a un cerveau de la taille d'un microbe.
Les voilà donc de retour, motivés comme jamais. Prêts à me casser les burnes avec leurs recommandations amicales. Mais fous les toi au cul ! Ne comptez pas sur moi pour répondre positivement aux invectives des uns et des autres. Non. Un non définitif. Assumé. Un non grossier !
En vrai, moi, ça m'a toujours plu l'utilisation de tous ces mots graveleux. Déjà tout petit, avec les copains de la cité, on aimait se traiter de tous les noms. La langue française est tellement riche et permet d'aller tellement loin qu'il serait dommage de s'imposer des limites. L'autocensure, ça n'a jamais été mon truc. Je préfère le second degré, l'autodérision.
Jurer nous permettait également de calmer un peu nos colères. Pour sûr, sans toutes ces insultes qui sortaient de nos bouches, telles une mitraillette, on aurait usé encore de plus de violence.
La vérité c'est que j'ai toujours entendu les gens, surtout ceux qui détenaient le pouvoir, "nous" conseiller hautement la politesse. Déjà qu'on était né du "mauvais côté du périph" et qu'on s'appelait Mohamed, fallait pas non plus en rajouter dans la grossièreté illimitée ! Continuez à être vulgaire, nous disaient-ils, faudra pas pleurer après si vous vous retrouvez au chômage, la tête dans la merde ! Comme si être poli était une assurance tout risque pour décrocher un boulot, ou empêchait la police de nous maltraiter.
Moi, je voyais tous les jours à la télé les autres, l'élite, dépasser les limites en toute impunité. Quand leurs grossièretés, souvent pas drôles, faisaient rire la France entière, la nôtre était souvent mal vue et toujours pointée du doigt.
Pour moi, surenchérir dans la vulgarité a toujours été un bras d'honneur à toutes ces formes d'injonctions, de dominations, imposées par "ceux d'en haut", fondées sur la valorisation de la bienséance. Être vulgaire, grossier, c'est aussi ma manière de montrer à tous à quel point je suis libre. A quel point je les emmerde tous ! Juste pouvoir jouir des mêmes droits que les autres Français…
Pour l'élite, mettre la pression sur "la bienséance" est un moyen de maintenir par le langage une séparation étanche entre elle et le peuple. Elle attend toujours de nous, les gens modestes, les classes dangereuses, une "certaine tenue".
Quand on est issu d'un quartier populaire, quand on est vulgaire, grossier, on est tout de suite disqualifié.
Un bourgeois vulgaire et grossier c'est un trait d'humour raffiné, voire une intelligence à savoir manier les mots, tous les mots. Un pauvre, s'il est Blanc et grossier, sera perçu comme un beauf. S'il est Arabe ou Noir, on le traitera de racaille. Va te faire foutre donc. Je revendique le droit à l'insolence, à l'irrévérence pour tous.
En tout état de cause, pourquoi la morale s'abattrait-elle sur certains et pas sur d'autres ?
Bon je vais arrêter de me plaindre. Parce qu'il y a pire que moi. Pire que les types des quartiers populaires.
Si j'avais été une femme, si j'avais usé comme je le fais tous les jours de ce langage grivois, on m'aurait traité de sorcière. J'aurais même eu sans doute droit à quelques menaces de mort, ou plutôt de viol, ça a toujours fait fantasmer certains hommes. Très peu de femmes peuvent s'exprimer avec autant de libertés que les hommes.
Et si j'étais une femme née quelques siècles plus tôt, on m'aurait brûlée vive. Alors, vive la liberté pour tous, et surtout pour toutes, de pouvoir dire autant de gros mots qu'on veut.
Nadir Dendoune
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