« Je ne comprends pas pourquoi je suis jugé », Damien Saboundjian policier, responsable de la mort d’Amine Bentounsi

 « Je ne comprends pas pourquoi je suis jugé », Damien Saboundjian policier, responsable de la mort d’Amine Bentounsi

© AFP


"Je ne comprends pas pourquoi je me retrouve pour la deuxième fois devant une cour d'assises". Ces mots sont ceux de Damien Saboundjian, gardien de la paix, responsable de la mort d'Amine Bentounsi, abattu d'une balle dans le dos le 21 avril 2012 à Noisy-le-Sec ( 93 ). (Voir nos articles)

 


Alors que son deuxième procès touche à sa fin, il avait été acquitté en première instance par la cour d'assises de Seine-Saint-Denis qui avait estimé qu'il avait agi en état de légitime défense, Damien Saboundjian, 38 ans, a encore du mal à admettre qu'un policier est un justiciable comme un autre. 



Jeudi 9 mars, 9h50, début de l'audience. La grande partie de la matinée est consacrée à l'interrogatoire de l'accusé. Le président prend un malin plaisir à rappeler d'abord les raisons de sa présence devant la cour d'assises. "On est là pour juger Damien Saboundjian qui a tiré sur un homme qui est mort", insiste plusieurs fois le magistrat. 



Le président relate les écoutes téléphoniques datées du 12 mai 2012 : Damien Saboundjian parle avec une collègue du commissariat de Noisy-le-Sec. Il dit : "Non seulement, j'ai failli mourir, j'ai tiré sur un mec et le mec, il est mort et on doit encore se justifier". "Vous trouvez donc anormal de devoir vous justifier devant une cour ?", interroge le magistrat.



Dans une autre écoute téléphonique, le policier se plaint de la façon dont il a été traité par l'IGS. Il critique des "questions à la con"."Savoir comment vous avez utilisé votre arme, c'est une question à la con ?", moque le président.  



"Non. Mais mettez-vous à ma place : j'ai été traité comme un malfrat. J'ai été placé en garde à vue 48h. Ce sont les méthodes brutales de L'IGS que je dénonce", se défend Saboundjian. 



Le président continue avec les écoutes. Certaines font froid dans le dos. Elles montrent combien l'accusé croit se sentir au dessus des lois. Comment son syndicat, le SGP-FO a fait pression sur les enquêteurs de l'IGS. Saboundjian : "Que je retourne une seule fois devant L'IGS, on va voir qui fait l'homme. Je suis quelqu'un de rancunier. Ils ont demandé que le (le type de L'IGS) se fasse virer sinon c'est nous qui allons nous en occuper. Non seulement, ils ont osé toucher à un flic mais aussi à un syndicaliste, chose qu'il ne faut pas faire". 



Face à ces accusations, Damien Saboundjian répond. "J'avais la haine. L'IGS ne cherchait pas à comprendre ce que j'avais vécu", répétant encore et encore sa version : "Il arrive vers moi avec son arme, j'ai pas rêvé. Je tire. La loi me permet de le faire".



"Tous les témoins ne disent pas ce que vous dites", continue le président. Est-ce qu'on doit écarter le témoignage de toute personne qui ne dit pas comme vous ?"



"Bien sûr que non, mais ça me met en porte-à-faux ! Ça m'énerve. C'est quand-même moi qui sait où j'ai tiré.", s'emporte Saboundjian. 

"Quand j'explique une chose, pour moi c'est la vérité," embraie le policier qui a du mal à supporter les questions.



"Donc, il faut vous croire puisque vous le dites," tacle le président, ajoutant "si il n' y avait pas de témoin ce serait mieux finalement."

"Et bien la cour d'assises, elle, rendra la vérité judiciaire," s'exclame le président. "Il n'y a pas de bonne et de mauvaise victime.", conclut le juge.



Il est 10h45. Face aux questions insistantes du président, Damien Saboundjian fond en larmes. La séance est suspendue.  



L'avocat général prend alors la parole. "Vous avez parlé un peu plus tôt du tribunal correctionnel.  Connaissez-vous la différence entre le tribunal correctionnel et les Assises ? ", lui demande l'avocat général. "Oui", répond laconiquement Damien Saboundjian. 



"Le tribunal correctionnel juge les délits, les Assises, les crimes. Il y a un homme qui est mort. Dans un état de droit, il est normal que vous répondiez d'une accusation portée contre vous. C'est vous qui invoquez la légitime défense. Il faut bien que la cour d'assises rende ce jugement", raille l'avocat général  à l'accusé, agacé par les plaintes répétées de Damien Saboundjian. L'accusé ne répond pas. 


Plus tard, on apprendra dans une autre écoute téléphonique que l'accusé a une très mauvaise opinion de la cour d’assises de Seine-Saint-Denis. "A Bobigny, ce sont des enculés. Si on peut enfoncer un flic, on le fait. J'aurais préféré être jugé à Paris. La cour d'assises de Seine-Saint-Denis l'a acquitté en première instance. Celle de Paris rendra son verdict demain (vendredi 10 mars), en soirée.


Nadir Dendoune


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