Procès Saboundjian. L’avocat général sermonne les policiers

 Procès Saboundjian. L’avocat général sermonne les policiers


Rémi Crosson du Cormier, l'avocat général du procès en appel de Damien Saboundjian qui se tient devant la cour d'assises de Paris depuis ce lundi 6 mars, n'est pas du genre à mâcher ses mots. A deux reprises, ce mardi 7 mars, il va sermonner assez sévèrement deux policiers, venus en qualité de témoin et qui ont menti pour protéger leur collègue responsable de la mort d'Amine Bentounsi, abattu d'une balle dans le dos le 21 avril 2012, lors d’une course-poursuite dans les rues de Noisy-le-Sec (93).


D'abord en invectivant Charles Accary. Rappel des faits. 


Incarcéré à la prison de Châteaudun pour des vols à main armée, Amine Bentounsi fait l'objet d'un mandat de recherche pour n'être pas rentré de permission. Avisée de sa présence à Noisy-le-Sec (93), une patrouille se lance à sa poursuite.


Charles Accary, chef de bord et responsable de l'équipage est présent ce soir du 21 avril 2012. Il découvre ce qu'il vient de se passer. Amine Bentounsi gît sur le sol, face contre terre. Charles Accary ne posera quasiment aucune question à ses autres collègues. Il est pourtant leur supérieur.


On apprend également qu'il attend le lendemain pour écrire son rapport. Un rapport qui semble avoir été écrit à la première personne. En vérité, il est rédigé en concertation avec ses trois autres collègues, y compris l'auteur des tirs, Damien Saboundjian, comme le relève l'instruction.


Dans ce rapport, Accary affirme que Damien Saboundjian a été "braqué agressivement" par Amine Bentounsi, alors que comme ses trois autres collègues, il n'a rien vu de la scène du crime. Pris en flagrant délit de mensonge, il n'assume pas devant la cour. 


Mais ce ne sont pas les mensonges de Charles Accary qui vont mettre en colère Rémi Crosson du Cormier, le procureur général, mais ses déclarations annexes interceptées lors d'écoutes téléphoniques demandées par L'IGS, la police des polices. Dont une en particulier. "Il vaut mieux être délinquant que policier", s'était alors plaint Charles Accary.


Le procureur général y voit une dénonciation du laxisme de la justice. Accary ne supporte pas que son collègue Saboundjian ait été envoyé aux assises. "On ne peut pas laisser passer ce genre de phrases", s'agace d'emblée Rémi Crosson du Cormier. "Comment pouvez-vous dire ça?", interroge furieux le procureur général. "Il y a des centaines de gens qui sont condamnés avec l'aide des procès verbaux des policiers. La justice n'est pas l'ennemie de la police", rappelle le magistrat.


"D'ailleurs, combien de policiers sont condamnés ?", questionne encore Rémi Crosson du Cormier, pour montrer combien Charles Accary a tort d'incriminer la justice. "Si nous avons décidé de poursuivre devant les assises Damien Saboundjan, c'est parce que nous avions des éléments probants".


Effectivement, l'instruction a montré qu'Amine Bentounsi a été abattu de dos, que la scène du crime a été modifiée, que quatre témoins invalident la version de l'accusé et que des collègues du meurtrier ont menti. Des faits troublants qui ont justifié un renvoi devant les assises. 


Le procureur général fait également état d'une main courante qu'aurait déposée Charles Accary dans un commissariat du Var quinze jours après le drame. Selon le policier, il aurait reçu des menaces de la famille Bentounsi. "Vous avez retiré la plainte juste après, c'est que vous dites n'importe quoi", s'emporte le procureur général.


"A qui ai-je affaire?", demande- t-il, avant de lui rappeler le nombre de policiers qui sont morts pour ce pays. "Les policiers sont la gloire de la France. Ne l'oubliez pas. N'oubliez pas que vous avez des comptes à rendre dans cette affaire. Alors, changez de comportement". 


Après la pause déjeuner express qui a duré à peine 40 minutes, les débats reprennent. Après l'audition de Vanessa Bories, adjointe de sécurité au moment des faits, présente également lors de la tuerie, c'est au tour de Ghislain Boursier, autre fonctionnaire de police, de prendre place.  


"Vous avez essayé de sauver votre collègue: c’est humain, mais ne vous enferrez pas", sermonne l’avocat général au policier. "Vous faites les mêmes réponses que les délinquants qui sont assis dans ce box. Le discours que vous tenez n’est pas digne de la police nationale", accuse encore Rémi Crosson du Cormier.


Un sermon qui laisse sans voix Ghislain Boursier. Gêné, ce dernier baisse juste un peu la tête. Damien Saboundjian est sonné. Il se prend la tête dans les mains. Le verdict est attendu ce vendredi soir (10 mars). 


Nadir Dendoune


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