Depuis sept ans, Achille Zogo Andela est détenu arbitrairement dans une prison du Cameroun

 Depuis sept ans, Achille Zogo Andela est détenu arbitrairement dans une prison du Cameroun

Hakim Chergui


Hakim Chergui est un avocat franco-algérien. Il sera au Cameroun le 5 et le 6 décembre prochains pour défendre Achille Zogo Andela, un Camerounais de 61 ans, incarcéré dans une prison de Yaoundé depuis 2011. Les motifs de son emprisonnement sont encore très flous. 



Au centre, Achille Zogo Andela.


 


Pourquoi avoir accepté de défendre Achille Zogo Andela ?


Avant tout, parce que c'est notre raison d'être en tant qu'avocat. Il s'agit également d'un engagement, un sacerdoce presque, au soutien des droits de l'homme, partout dans le monde. Et le cas d'Achille Zogo Andela est, de ce point de vue, totalement ahurissant : voilà un homme qu'on a jeté en pâture au prétexte d'un simple différend commercial et qu'on a laissé croupir en prison, sans médicaments, sans soins médicaux, depuis sept années.


Sept interminables années durant lesquelles on ne le présentera jamais à un juge d'instruction. Aucune question ne lui a été posée. On ne le confrontera à aucun de ses accusateurs. On ne lui demandera rien. On ira même jusqu'à lui commettre un avocat d'office inexpérimenté qui est sous le coup de poursuites pénales pour usurpation de ses diplômes de droit ! 


Depuis sept ans, Zogo Andela se crève dans les geôles camerounaises, dans l'espoir qu'on ne l'oubliera pas. Voilà pourquoi mes confrères Joseph Breham, Calvin Job et moi avons accepté d'être ses défenseurs.


De quoi est-il accusé officiellement ?


C'est là que le bât blesse justement. Il nous est impossible de répondre avec certitude à cette question. De fait, dans la mesure où le dossier de la procédure, qui, rappelons-le, contient toutes les preuves, les témoignages, les saisies etc., ne nous a pas été communiqué, en dépit de nos nombreuses demandes officielles. Nous ne savons rien des chefs d'inculpation, si ce n'est ce dont la presse locale s'est fait l'écho, à savoir des présomptions de détournement de biens publics et de blanchiment.



Quelle est selon vous la raison de son incarcération ?



Notre conviction est qu'au regard du déni absolu de ses droits, de toute cette mise en scène orchestrée en haut lieu, le procès d'Achille Zogo Andela,  tout comme son interminable mise au secret, servent évidemment de diversion. A qui ? Sans nul doute, à ceux qui, à tous les échelons du pouvoir, se repaissent de la corruption tout en travaillant à donner l'image qu'ils luttent réellement à son éradication.


Votre client est incarcéré depuis 2011. Il n'a pas encore été jugé. Pourquoi cela prend-il autant de temps ?


Simplement parce que le système avait simplement besoin de faire du bruit autour de l'arrestation de Zogo Andela, de geler ses avoirs, de saisir les biens de sa société. Pas plus. Une fois sous écrou, le juger n'intéressait plus personne. Voyez l'hypocrisie à  laquelle nous faisons face : il aura fallu attendre les quelques semaines précédant les condamnations de l'ONU pour que les autorités du Cameroun, qui étaient informées de son imminence, se décident à le juger de toute urgence, par une juridiction spéciale, créée après son incarcération et au nom  !


Les Nations unies ont donc fini par condamner l'arrestation de votre client. Pensez-vous que cela suffira à le faire libérer ?


Le Comité des droits de l'homme a évidemment constaté que la détention de notre client était arbitraire et dès lors, parfaitement illégale. En droit, cela ne souffre d'aucune contestation. Il doit être libéré, et indemnisé de surcroît, ainsi que le demande l'ONU. Il s'agit d'un préalable sans lequel il ne saurait être question de justice. Un homme illégalement privé de sa liberté ne peut être jugé s'il est toujours dans les fers. 


Vous êtes au Cameroun en ce moment. Est-ce une manière de mettre la pression sur l'Etat camerounais ?


C'est surtout pour assister M. Zogo Andela lors des audiences des 5 et 6 décembre et par notre présence, rappeler à tous que la problématique des droits humains ne peut plus être confinée aux frontières d'un Etat ou aux murs d'un palais de justice. Le Cameroun a signé des engagements internationaux. Les organes, à qui il a confié le soin d'en être les juges, ont dit qu'ils avaient été violés dans ce dossier. Nous allons réorienter les débats sur le respect absolu des droits de l'homme dans la lutte contre la corruption.  C'est le sens de notre présence, et de notre combat.


Propos recueillis par Nadir Dendoune