Vers un retrait de la confiance au gouvernement Fakhfakh ?

 Vers un retrait de la confiance au gouvernement Fakhfakh ?

Elyes Fakhfakh et Rached Ghannouchi

Le retrait de la confiance à Elyes Fakhfakh n’est plus une lointaine éventualité. L’étau se resserre contre le chef du gouvernement à en croire le communiqué du Conseil de la choura d’Ennahdha publié hier soir lundi. Le même jour, l’Instance nationale de lutte contre la corruption accablait à son tour le chef de l’exécutif.

 

Si la plus haute instance du parti islamiste n’a pas tranché à proprement parler sur le sort d’Elyes Fakhfakh, avec qui elle cohabite au sein du pouvoir, elle l’aura considérablement affaibli. Une attaque en règle, à l’issu de la 40ème session du Conseil de la choura.

Le président de la Choura, Abdelkrim Harouni, a déclaré le 29 juin au soir que « le parti ne fera pas preuve d’indulgence à l’égard d’un membre du gouvernement en cas de corruption avérée ». Il a surtout ajouté que le mouvement appelle à « élargir le soutien politique autour du gouvernement ». Comme à son accoutumée, le parti manœuvre de façon habilement politicienne. En clair, fort de cette épée de Damoclès, Ennahdha réitère sa demande d’élargir la coalition gouvernementale. Un élargissement au profit du parti affairiste de Nabil Karoui, Qalb Tounes.

 

Un « régime de l’intimidation et des dossiers »

Un souhait de l’intégration du parti de l’homme d’affaires controversé, ennemi d’hier, que le parti islamiste avait formulée depuis plusieurs semaines, ne disposant pas en l’état d’une assise parlementaire suffisamment solide. Une alliance décomplexée avec le diable d’autre part, sous forme de représailles à la récente tentative de retrait de confiance à son chef et président du Parlement Rached Ghannouchi.

D’où les soupçons légitimes de révélations du dossier des entreprises privées détenues par le chef du gouvernement, en poste depuis 4 mois, à l’initiative de forces politico-financières. Des forces  qui y auraient un intérêt manifeste.

>> Lire aussi : Fakhfakh gate : un conflit d’intérêts sonne-t-il la fin du gouvernement ?

Lors de la conférence de presse de la Choura d’Ennahdha, le parti a donc enfoncé le clou. Il explique qu’il « suivra de près » les enquêtes en cours concernant l’éventuelle implication du chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, dans un conflit d’intérêts. « Le mouvement prendra la position adéquate à la lumière des résultats des enquêtes ». Certains y voient une porte laissée entrouverte.

 

retrait de la confiance
Chawki Tabib, président de l’INLUCC

L’INLUCC enfonce davantage Fakhfakh

Le président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption, Chawki Tabib, a affirmé, toujours lundi, que le chef du gouvernement a « violé la loi et la Constitution ». Il n’aurait pas renoncé à ses postes à la tête de cinq sociétés, alors qu’il était déjà entré en fonction. Un cinglant camouflet pour le quadragénaire dont on voit mal comment il peut encore rester crédible et gouverner.

Tabib a précisé que le chef du gouvernement a adressé le 25 juin une correspondance à l’instance pour clarifier sa situation. En poste en février, l’homme aurait délégué la gestion de ses actions les 15 avril et 22 mai, et qu’il n’est plus membre du conseil d’administration de l’une des sociétés depuis le 17 avril.

Or, un important appel d’offres public a été remporté par l’une de ces entreprises. Une entreprise spécialisée dans le recyclage des déchets. Contrat d’une valeur de 44 millions de dinars (14 millions d’euros). Et le contrat y afférent fut signé en avril 2020.

C’est pourquoi Chawki Tabib estime que les marchés contractés avec l’Etat doivent être impérativement annulés. D’autant qu’une telle décision avait déjà été recommandée par le gouvernement lui-même concernant deux députés. Ces derniers avaient contracté des marchés avec les cimenteries du Kef et de Bizerte ainsi qu’avec la Pharmacie centrale.

« Il est injuste que les actions des sociétés d’Elyes Fakhfakh soient cédées maintenant. Leur valeur a doublé consécutivement aux marchés contractés avec l’Etat ». Conclut par ailleurs Tabib.

Si l’on peut se réjouir du fonctionnement sain et efficace des institutions démocratiques en Tunisie, la tension entre les trois présidences Carthage – la Kasbah – le Bardo, inquiète les observateurs. Une inquiétude sur fond d’une double menace de seconde vague Covid-19 et instabilité à la frontière libyenne.