Tunisie : Le président Saïed annonce un « coup d’Etat constitutionnel »

 Tunisie : Le président Saïed annonce un « coup d’Etat constitutionnel »

C’est un séisme politique et institutionnel qui secoue le pays en ce soir historique du 25 juillet 2021 : le président de la République Kaïs Saïed annonce en marge d’une réunion convoquée en urgence avec des généraux militaires et civils qu’il a décidé, « conformément aux dispositions de l’article 80 », de geler les travaux du Parlement et de lever l’immunité sur tous les députés.

 

En vertu de cette interprétation du même article 80, Saïed a également annoncé qu’il préside désormais le ministère public afin de poursuivre en justice les députés ayant des affaires en justice en cours. Mais il a aussi ajouté qu’il présidera le pourvoir exécutif, aidé par un gouvernement dirigé par un chef qu’il désignera lui-même. En clair, cela signifie la révocation du chef du gouvernement, un point hautement polémique selon des constitutionnalistes, le pays n’étant pas sous un régime présidentiel.

Le président élu fin 2019 capte ainsi la grogne populaire qui s’est illustrée aujourd’hui encore contre le parti islamiste Ennahdha, principal formation de la coalition gouvernementale. Une colère qui s’est encore illustrée en ce jour de commémoration de la fête de la République par des manifestations et protestations violentes. Le gouvernement Mechichi fut également affaibli par sa gestion calamiteuse de la pandémie.

 

Scènes de joie et de liesse populaire dans la capitale 

Suspension du processus démocratique

Sur un ton grave mais menaçant, le président Kaïs Saïed a par ailleurs promis que « d’autres mesures vont suivre et seront annoncées à travers des décret-loi, conformément aux dispositions à la Constitution », et que toute désobeïssance armée serait « mâtée par les armes ».

Un texte ayant valeur de loi stipulant les modalités de cette prise du pouvoir exécutif serait publié dans les prochains instants et entrera en vigueur immédiatement, selon lequel le chef du gouvernement actuel serait limogé et remplacé par une autre personnalité.

« Le chef du gouvernement dirigera le gouvernement et sera responsable devant le président de la République. Il présidera le conseil des ministres sur ordre du président de la République qui est le président du Conseil. Le président de la République désignera les membres du Gouvernement, proposés par le chef du Gouvernement », a indiqué le chef de l’Etat.

Pour nombre d’observateurs, le pays entre dans l’inconnu. Les prochaines 24 heures seront décisives pour le devenir du pays et la paix sociale. Au moment où des klaxons de joie retentissent dans l’ensemble des régions du pays qui ont enfreint le couvre-feu sanitaire en vigueur, le mystère demeure entier sur la faisabilité d’une telle manœuvre y compris sur le plan logistique, l’armée n’ayant pas de tradition putschiste à proprement parler en Tunisie. Nous y reviendrons.