Un square à Bobigny au nom d’El Ouafi Boughera, oublié du sport français
Après qu’un gymnase à La Courneuve et une rue à Saint-Denis lui ont été dédiés, c’est désormais un square à Bobigny qui porte le nom de Boughera El Ouafi, premier athlète français à remporter l’or olympique sur marathon (JO d’Amsterdam 1928), grand oublié de l’histoire du sport français.
Ce mercredi 4 septembre, plus d’une cinquantaine de personnes étaient présentes à l’inauguration, parmi lesquelles le maire de la ville, Abdel Sadi, le député de Seine-Saint-Denis, Aly Diouara, et l’historien Alain Ruscio, spécialiste de l’histoire coloniale française. La famille du marathonien, décédé en 1959, s’était également déplacée, notamment Jasmine Zeroug, petite-nièce d’El Ouafi, venue spécialement d’Avignon. Depuis plusieurs années, elle se bat, avec tous les membres de sa famille, pour raviver la mémoire collective autour de l’exploit réalisé par leur aïeul.
« Sa victoire a été un moment de fierté non seulement pour la France, dont il portait les couleurs, mais aussi pour l’Algérie et toute l’Afrique », a déclaré une Jasmine Zeroug très émue lors de son discours. Elle a chaleureusement remercié la ville de Bobigny, ajoutant : « Cette reconnaissance est essentielle pour honorer sa mémoire et inspirer les générations futures. C’est une célébration de l’héritage d’un homme qui a transcendé les barrières et laissé une empreinte indélébile dans l’histoire du sport. Ce square sera, je l’espère, un lieu où régnera l’esprit de détermination, de partage intergénérationnel et multiculturel, ainsi que de succès. »
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Le 5 août 1928, lors des Jeux olympiques d’Amsterdam, un athlète encore inconnu du grand public, répondant au nom de Boughera Ahmed El Ouafi, né en 1898 à Ouled Djellal, remporte contre toute attente le prestigieux marathon en 2h32min57s, devenant ainsi le premier Français à triompher dans cette épreuve.
Après son sacre olympique, cependant, la vie d’El Ouafi devient plus compliquée. Pour subvenir à ses besoins, il part courir aux États-Unis, ce qui lui vaut d’être radié par le Comité olympique pour avoir enfreint les strictes règles de l’amateurisme. Banni de la Fédération française d’athlétisme, il ne sera plus jamais autorisé à participer à une compétition officielle. Tombé dans l’oubli, il retourne travailler à l’usine. Il faudra attendre 1956 et la victoire d’Alain Mimoun au marathon des JO de Melbourne pour que son nom refasse surface. Ému par le destin tragique de son prédécesseur, Mimoun exige qu’El Ouafi soit présent lors de la réception donnée en son honneur au Palais de l’Élysée.
Trois ans plus tard, en 1959, Boughera Ahmed El Ouafi est assassiné par balles dans des circonstances encore mystérieuses, à Saint-Denis, où il résidait.
« Les noms que nous donnons à nos rues et nos places sont importants. En baptisant des lieux publics, qui sont des espaces de rencontre et d’identification, nous faisons vivre dans nos cœurs et nos esprits ceux qui ont marqué notre mémoire collective. L’espace public n’est pas un livre d’histoire, mais il peut contribuer à réparer les blessures de l’oubli et de l’ignorance. C’est pourquoi il était essentiel de nommer ce square en hommage à Boughera El Ouafi », a déclaré le maire Abdel Sadi.
Un hommage rendu 65 ans après sa mort. Sur la tombe de ce marathonien, située dans le cimetière musulman de Bobigny, on peut lire cette inscription : « L’Algérien Boughera Ahmed El Ouafi, champion olympique du marathon en 1928. Ne l’oublions pas. »
C’est désormais chose faite.