Un nombre record d’embarcations de migrants déjouées

 Un nombre record d’embarcations de migrants déjouées

Des centaines de migrants ont débarqué en Italie les 8 et 9 mai, malgré l’interrution des opérations de plusieurs navires de sauvetages

En 48 heures, les garde-côtes tunisiens ont interpellé 63 candidats au départ dans diverses régions côtières du pays. Ni une météo venteuse peu propice, ni les nouvelles mesures de reconduction, côté italien, ne semblent avoir dissuadé la « saison des départs ».

 

Les unités de la Garde nationale dans les régions de Kélibia, Sfax, Gabès et Zarzis ont ainsi réussi à déjouer, samedi 15 août, plusieurs tentatives de départs à bord d’embarcations de fortune de migrants vers l’Europe. Selon le ministère de l’Intérieur, 47 personnes ont d’abord été arrêtées, pour avoir pris part à ces opérations. Le ministère public a ordonné de prendre les mesures judiciaires adéquates à leur égard.

La brigade du renseignement maritime de la Garde nationale à Kelibia (gouvernorat de Nabeul) a arrêté 9 personnes, originaires des gouvernorats de Tunis, Ben Arous et Nabeul, dès les premiers mille marins effectués. De même, les unités maritimes relevant de la Garde nationale à Sfax, ont saisi un navire au niveau des côtes de Hakouna à Sidi Mansour, transportant 16 personnes originaires de Kairouan, Kasserine et Sfax, qui étaient sur le point de franchir les frontières nautiques.

Par ailleurs, une patrouille de la Garde nationale à Gabès a réussi à saisir un bateau de plaisance au niveau des côtes du Zarat, s’apprêtant à franchir les frontières, avec 15 passagers à bord. A Zarzis, les unités maritimes de la Garde nationale, ont interpelé le 15 août 7 personnes à bord d’une embarcation similaire.

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Hier dimanche, c’est enfin une unité de la marine nationale qui cette fois a réussi à secourir 16 migrants de la noyade après que leur embarcation, située à 65 km au sud-ouest du village d’El Attaya (île de Kerkennah), ait pris l’eau. Dans un communiqué rendu public aujourd’hui lundi, le ministère de la Défense a précisé que les migrants en question sont âgés de 13 à 46 ans, tous de nationalité tunisienne.

 

La migration, « un projet familial »

Cet été sur les réseaux sociaux, les images et vidéos choc se multiplient, montrant un niveau de détresse inédit parmi les « candidats à la mort ». Il n’est plus rare en effet d’y constater désormais la présence d’enfants en bas âge, de malades entubés, de femmes et de familles entières, se lancer dans une aventure ainsi banalisée.

« La migration est devenue un projet familial », déplorent en chœur Khaled Tababi, auteur d’un récent rapport sur la question, ainsi que Abderrahman Hedhili, président du Forum Tunisien des Droits Economiques et Sociaux (FTDES). Ils notent que les familles ne s’opposent plus aux départs, voire y contribuent financièrement.

« Nous assistons ces derniers mois à une professionnalisation accrue des réseaux migratoires », affirme Tababi. Les réseaux ne contournent plus seulement la surveillance sécuritaire et les contraintes climatiques mais profitent également des conjonctures économiques et politiques du pays. Il y a eu une vague migratoire lors de la période des élections en Tunisie, exploitant la focalisation sécuritaire sur le scrutin. » On peut penser qu’il en est de même en cette période de flottement gouvernemental en Tunisie, où l’exécutif démissionnaire est perçu comme une déliquescence de l’Etat.

 

L’Italie change de politique

À compter du lundi 10 août, l’Italie avait pourtant commencé à renvoyer systématiquement dans leur pays les migrants tunisiens « arrivés clandestinement ». Une décision qui intervient à la suite de la crise du Covid-19 qui a touché de plein fouet l’économie tunisienne : des arrivées massives ont été enregistrées ces derniers mois. Plus de 4 000 Tunisiens ont ainsi rejoint les côtes italiennes en juillet.

La tension demeure cordiale mais tangible entre Tunis et Rome sur le sujet. Le ministre des Affaires étrangères italien, Luigi Di Maio, avait écrit dès le 6 août dans un statut Facebook que la « Tunisie étant considérée comme un pays sûr et non un pays en guerre », des « rapatriements » de migrants clandestins tunisiens arrivés sur des embarcations illégales, commenceront dès le 10 août, à raison de 80 personnes par semaine et ce, en accord avec les autorités tunisiennes.

Pour le juriste et ancien diplomate Farhat Othman, « l’Italie cherche à profiter de la situation confuse en Tunisie pour arriver à conclure un nouvel accord migratoire en défaveur de nos ressortissants et des intérêts de la Tunisie. Ainsi, après la visite inopinée de la ministre de l’Intérieur, Luciana Lamorgese, c’est Luigi de Maio qui a annoncé sa prochaine visite en Tunisie afin, affirme-t-il, de conclure ledit nouvel accord d’immigration ».