Ukraine : vers des pénuries au Maghreb après la suspension de l’accord sur les céréales ?
La Russie a suspendu samedi l’accord sur les exportations de céréales des ports ukrainiens. Grenier à blé et autres productions agricoles, les exportations russes et ukrainiennes sont vitales pour l’approvisionnement alimentaire de nombreux pays, dont le Maghreb. Moscou a prétexté une attaque visant ses navires en Crimée pour mettre fin à l’accord sous l’égide de la Turquie et de l’ONU.
Après une attaque de drones en Crimée annexée, que Moscou a imputée à l’Ukraine et à la Grande-Bretagne, la Russie s’est retirée de l’accord permettant le passage des cargaisons de céréales depuis l’Ukraine. Kiev a aussitôt dénoncé un « faux prétexte » et appelle Moscou à « respecter ses obligations ». Les Nations unies ont appelé à tout faire pour préserver l’accord.
Cet accord céréalier, conclu le 22 juillet, avait permis l’exportation de plusieurs millions de tonnes de céréales coincées dans les ports ukrainiens. Ces quantités avaient soulagé la tension sur le marché mondial et permis d’approvisionner de nombreux pays, notamment en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.
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Le blocus naval de la Russie au début de son invasion de l’Ukraine avait en effet provoqué une flambée des prix alimentaires, faisant craindre des famines. « Il est vital que toutes les parties s’abstiennent de toute action qui mettrait en péril l’accord céréalier de la mer Noire », a déclaré dans un communiqué le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Stéphane Dujarric. Il souligne que cet accord avait un « impact positif » pour l’accès à l’alimentation de millions de personnes à travers le monde.
Faux prétexte
« Moscou utilise un faux prétexte pour bloquer le couloir céréalier qui assure la sécurité alimentaire de millions de personnes. J’appelle tous les États à exiger de la Russie qu’elle mette fin à ses jeux de la faim et qu’elle s’engage à nouveau à respecter ses obligations », a indiqué sur Twitter le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba.
Face à ces accusations, la Défense britannique a réagi en dénonçant de « fausses informations » destinées à « détourner l’attention », tandis qu’un responsable ukrainien a suggéré qu’une « manipulation négligente d’explosifs » par les forces russes était à l’origine de l’incident.
Peu avant l’annonce de la suspension de l’accord céréalier, le ministre russe de l’Agriculture avait une nouvelle fois critiqué le texte à la télévision, accusant les pays de l’UE de s’approprier les exportations ukrainiennes devant revenir aux pays pauvres. Ces allégations avaient précédemment été démenties par le centre de coordination situé en Turquie. L’Ukraine, elle, accusait la Russie de bloquer les navires dans le détroit du Bosphore. Selon le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, la Chine, l’Égypte, le Bangladesh, l’Indonésie, l’Irak, le Liban ou les pays du Maghreb sont parmi les États affectés par ces retards.
Pénuries en vue en Tunisie ?
Le Maghreb est en effet très dépendant des céréales provenant d’Ukraine et de Russie. La suspension de l’accord risque de créer de nouvelles tensions inflationnistes, voire des pénuries. La Tunisie importait près de la moitié de son blé tendre (pour faire du pain notamment) d’Ukraine avant la guerre, et 10 % auprès de la Russie. Situation similaire pour l’orge, pour lequel les deux pays représentaient plus de 60% des achats tunisiens. Dans un contexte de multiplication des pénuries dans le pays, la décision russe risque d’avoir de lourdes conséquences.
Maroc en revanche a rapidement réagi en diversifiant ses fournisseurs. Alors que le Royaume était devenu en 2018 le 3e client de l’Ukraine, elle n’en dépend plus qu’à hauteur de 26 %. L’Argentine et le Brésil sont ainsi devenus les principaux partenaires en fournissant 41 % des céréales au pays.
Reste que si l’Ukraine n’est plus en mesure d’exporter sa production céréalière, les prix qui s’étaient stabilisés vont repartir à la hausse au détriment de millions de personnes en précarité alimentaires dans le monde.