Une plainte pour « coup d’Etat » classée sans suites

 Une plainte pour « coup d’Etat » classée sans suites

L’entente cordiale entre les deux hommes


Le procureur général de la justice militaire a décidé de classer sans suite la plainte déposée par le nouveau secrétaire général de Nidaa Tounes, l’homme d’affaires Slim Riahi, contre le chef du gouvernement Youssef Chahed pour « planification d’un complot contre la sécurité intérieure de l’Etat ».



Fin novembre, à peine levée l'interdiction de voyage dont il faisait l'objet, Slim Riahi accordait à Paris un long entretien à France 24 où il évoque pour la première fois ce qu'il appelle "le coup d'Etat soft" en cours d'après lui en Tunisie 


 


La vie politique tunisienne est décidément le théâtre d'intrigues dignes des romans d'espionnage. Pouvant paraître fantaisiste de prime abord, la procédure avait été prise suffisamment au sérieux par le chef de l’exécutif pour qu’il l’évoque devant l’Assemblée, en qualifiant Riahi, sans le nommer, d’« irresponsable ».   


L’affaire n’aura pas trainé. Hier 10 décembre, le juge d’instruction en charge du dossier a en effet convoqué le plaignant Slim Riahi pour l’entendre et examiner les pièces justificatives soutenant ses allégations datant de novembre dernier, seulement ce dernier ne s’était pas présenté prétextant se trouver à l’étranger pour des engagements professionnels.


Pour compléter les investigations, le plaignant avait été à nouveau convoqué le 6 décembre courant et ne s’y est pas rendu cette fois « pour raison de santé », selon son avocat qui a présenté une copie d’une demande d’analyses et d’examen médical émise par un hôpital privé de Londres en date du 3 décembre.


Face à l’absence répétée du plaignant qui a manqué à deux reprises son rendez-vous avec la justice sans chercher à fournir les preuves appuyant ses allégations concernant « un putsch » et un complot en cours visant la sûreté du le pays, le procureur de la République près le Tribunal militaire permanent de première instance a décidé de classer la plainte « avec tout ce que cela impliquera comme mesures juridiques », selon la même source.


Dès le 27 novembre dernier, le Procureur général militaire a ordonné l’ouverture d’une enquête préliminaire après la plainte déposée par l’un des avocats Slim Riahi. Ce dernier y accuse le chef du gouvernement, son chargé de communication à la Kasbah Mofdi Mseddi, l’ex directeur du cabinet présidentiel Slim Azzabi, ainsi que l’ancien dirigeant de Nidaa Tounes Lazhar Akremi et le directeur général de la sécurité présidentielle, Raouf Mradâa, de « complot contre la sécurité intérieure de l’Etat », un crime qui tombe sous le coup de l’article 31 du Code de procédure pénale tunisien.


Réagissant à cette plainte, le chef du gouvernement Youssef Chahed avait déclaré à l’ARP qu’« un gouvernements jouissant d’une légitimité parlementaire forte n’a nul besoin de fomenter un quelconque complot, encore moins dans la Tunisie de 2018… ». Favori des sondages pour la présidentielle de 2019, il a selon le camp de ses adversaires politiques au sein même de Nidaa « l’intention de faire main basse sur le parti présidentiel en en changeant le nom, voire de commettre un coup d’Etat médical », un scénario connu des Tunisiens depuis l’ère Bourguiba.  


 


Slim Riahi menacé et en fuite ?


Taïeb Bessadok, avocat du secrétaire général de Nidaa Tounes Slim Riahi, exprime pour sa part aujourd’hui « son étonnement » face au communiqué émis par le parquet militaire annonçant le classement de l’affaire. Pour maître Bessadok, il incombait au juge d’instruction de classer ou poursuivre l’affaire, et non au parquet militaire, insinuant que la décision de classement revêt un caractère politique.


Il a s’est dit par ailleurs « d’autant plus surpris » par la décision du classement de l’affaire « alors qu’il s’apprêtait à fournir les preuves pour l’appuyer ». Une décision qui selon lui comprend en filigrane une menace de contre-poursuites à l’encontre de son client Slim Riahi, dans la mesure où la justice considèrerait qu’il a quitté le territoire tunisien sans avoir présenté les preuves devant la justice.  


Pour le juriste Lazhar Akremi, dont le nom est évoqué dans la plainte en question,  le secrétaire général de Nidaa Tounes Slim Riahi a « de facto pris la fuite » depuis qu’il a quitté le territoire tunisien, depuis qu’il a quitté la Tunisie quelque heures après son dépôt de plainte, celle-ci « ne servant que d’alibi » pour justifier une éventuelle demande de statut de réfugié politique en Europe, le cas échéant.