Tunisie. Une croissance en deçà de la moyenne régionale selon S&P
« La reprise sera lente pour la Tunisie », selon l’agence de notation Standard & Poor’s qui y prévoit une croissance économique en dessous de la moyenne des pays de la région. Avec seulement 3,8% cette année et 2,1% en moyenne au cours des 3 prochaines années, soit une moyenne de 2,4% sur 5 ans, la croissance est entravée par l’instabilité politique du pays selon l’agence américaine.
Ainsi dans son dernier rapport sur les perspectives économiques de la région Mena, S&P explique que la croissance est d’autant plus ralentie par les bouleversements politiques des derniers mois, ainsi que « le manque de visibilité pour les prochaines étapes ». Le secteur bancaire est particulièrement exposé : il opère déjà dans un environnement fortement impacté par la crise sanitaire, déplore l’agence.
« L’affaiblissement des assises financières des banques et l’accroissement des risques économiques et politiques sont de nature à détériorer leur rentabilité, dans un environnement très concurrentiel et fragmenté, ce qui accentue la concurrence par les tarifs. Le niveau de provisionnement restera élevé avec l’exposition des établissements bancaires aux secteurs fortement touchés par la crise sanitaire, à l’image du tourisme et du commerce ».
Or, chaque point de croissance supplémentaire permet à l’Etat de disposer de ressources allant de 6,5 à 7 milliards de dinars, et limite d’autant plus l’endettement extérieur et réduit la dépendance du trésor public, y compris du système bancaire, des institutions financières internationales ou des bailleurs de fonds du pays.
Depuis six semaines, l’Etat tunisien fait face à une situation inédite où les banques nationales rechignent à de prêter l’Etat à long terme, pour des raisons de profitabilité et en raison des incertitudes pesant sur l’évolution du taux directeur, le tout dans un contexte de flou institutionnel.
S&P préoccupé par les pressions sur les banques
« Les remous politiques dont la Tunisie est le théâtre pourraient accentuer les pressions sur les banques nationales, les tensions politiques s’étant intensifiées le 25 juillet 2021, lorsque le président de la République, Kais Saïed, avait suspendu le Parlement, démis le gouvernement et annoncé qu’il gouvernerait par ordonnances » écrit l’agence de notation Standard & Poor’s.
« Bien que la suspension ait été prolongée indéfiniment, les prochaines étapes manquent de clarté, et des développements sont susceptibles d’affecter l’environnement opérationnel des banques tunisiennes », poursuit-t-elle. Elle indique que cette incertitude vient s’ajouter à « un environnement opérationnel déjà tendu pour les banques en raison des retombées de la Covid-19 ».
En Tunisie, la pandémie s’était déjà traduite par une contraction sans précédent du PIB de -8,6 % en 2020, selon le FMI, ce qui a aggravé les fragilités socio-économiques du pays après une décennie de mise en œuvre chancelante des réformes et de faible croissance.
Dans ce contexte, prévoit S&P, l’économie tunisienne connaîtra probablement un retour lent aux niveaux pré-pandémiques. « 2,4% sur 5 ans est un niveau de croissance probablement pas suffisant pour remédier au chômage élevé et à la détérioration du niveau de vie dans le pays, ce qui alimentera davantage le mécontentement social », conclut l’agence.
Elle prévient enfin que les déficits budgétaires élevés « propulsent la dette publique sur une voie insoutenable de dépendance à l’égard des institutions de prêt multilatérales », tandis que l’instabilité politique actuelle pourrait compromettre la conclusion d’un accord avec le FMI et poser d’importants défis financiers au pays.
D’après le cabinet Global Data Plc, les économies appelées à connaître en 2021 les taux de croissance les plus rapides en Afrique sont le Maroc, le Kenya, le Ghana, l’Egypte et l’Afrique du Sud, avec des taux compris entre 4 et 5,19%.
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