Un tourisme hygiénique et local pour sauver la saison ?

 Un tourisme hygiénique et local pour sauver la saison ?

Elle-même relativement épargnée par la pandémie, la Tunisie est en revanche touchée de plein fouet par ses conséquences économiques et sociales, notamment sur le secteur clé du tourisme. Pour relancer cette activité, le pays mise sur un tourisme local et hygiénique. 

Le tourisme tunisien souffre d’un manque à gagner de six milliards de dinars (deux milliards d’euros) à cause de la pandémie de Covid-19, estime l’Office national du Tourisme tunisien (ONTT), avec 400 000 emplois menacés, au moment où le pays est déjà plongé dans une situation économique et sociale difficile. Le secteur, qui pèse environ 14 % du PIB selon le ministère du Tourisme, est à l’arrêt depuis fin mars et la fermeture des espaces aériens avec l’Europe, son principal marché.

Le tourisme avait déjà été très éprouvé par les conséquences de l’instabilité politique depuis 2011 et surtout des attaques jihadistes des années 2015-16. La situation sécuritaire s’est depuis beaucoup améliorée et la fréquentation était revenue l’an passé à son niveau d’avant 2011, avec 9,5 millions de visiteurs, même si les recettes restent à la traîne. Une reprise toutefois fragilisée par la faillite du pionnier des voyagistes, le Britannique Thomas Cook, qui transportait 5 % des touristes européens, en septembre 2019.

À lire aussi : Économie. Maroc : les professionnels du tourisme s’organisent

La Tunisie a bien débuté l’année

Cependant, « la Tunisie avait bien débuté l’année, avec une hausse des recettes de 28 % », souligne Feriel Gadhoumi, une coordinatrice de l’ONTT. Après trois années de rebond de la fréquentation, 2020 devait être la saison de la confirmation. Mais, la fermeture des frontières est appelée à se prolonger une bonne partie de l’été, mettant en péril le secteur et de nombreuses activités connexes.

Alors que le printemps sonne traditionnellement le début de l’afflux de voyageur, la plupart des hôtels ont fermé leurs portes, et ceux qui restent ouverts logent, souvent gratuitement, les milliers de personnes en quarantaine, ce qui donne aux stations balnéaires des allures de ville fantôme.

>>Lire aussi : Relance du tourisme : nouveau spot promotionnel de l’ONTT

Pas de touristes algériens ou russes à l’horizon

Mais, les hôteliers tentent de sauver ce qui peut l’être de la saison en s’appuyant sur du tourisme local et sur la situation sanitaire rassurante du pays et sur des mesures d’hygiène drastiques. La Tunisie est l’un des pays méditerranéens les moins touchés par la pandémie, avec un bilan officiel de 45 décès. Pendant plusieurs jours cette semaine, aucune nouvelle contamination n’a été enregistrée.

« Les clients vont se concentrer sur l’aspect sanitaire et hygiénique », assure Anis Souissi, directeur commercial dans l’hôtellerie, qui envisage des « menus fixes au choix » au lieu de l’habituel buffet, « une table attitrée et un parasol fixe tout au long du séjour ». « Cibler le marché local et préparer la saison prochaine sont les seuls choix », observe-t-il.

Le ministère du Tourisme prépare un protocole pour les hôtels qui rouvriront – certains envisagent de le faire début juin. Au programme, des contrôles de température à l’aéroport et à l’entrée des hôtels, des chambres désinfectées et laissées vacantes 48 heures entre deux clients, des lavages intensifs des espaces communs et l’espacement des tables d’un mètre dans les cafés.

Ces mesures sont nécessaires pour « regagner la confiance des partenaires », affirme Mme Gadhoumi. Reste à savoir si les hôtels, dont certains sont déjà au bord de la faillite après des années de disette, arriveront à faire les investissements nécessaires pour du tourisme local

>>Lire aussi : Maroc : les professionnels du tourisme s’organisent

En Tunisie, on lorgne vers l’Algérie ou la Russie

Pour cet été, outre le tourisme national, les hôteliers lorgnent du côté des vacanciers algériens, voire russes, qui leur ont permis d’amortir les crises précédentes. Mais aucun vol commercial n’est programmé pour l’instant, et l’ouverture des frontières n’est pas envisagée à court terme. En outre, les deux pays sont sérieusement touchés par la pandémie.

Les Tunisiens, eux, ne représentent que 20 % des touristes, et beaucoup ont vu leurs revenus et jours de congé fondre durant le confinement. Quant aux quelques dizaines de milliers d’étrangers bloqués en Tunisie pour l’été, leur présence ne devrait guère suffire à sauver la saison.

Au niveau mondial, le nombre de touristes internationaux pourrait chuter de 60 à 80 % en 2020, selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT).