Tunisie. Un mort dans des affrontements entre riverains et subsahariens à Sfax
La tension est à son comble à Sfax sur fond d’affrontements ethniques : cela fait 48 heures que des heurts nocturnes secouent cette deuxième ville du pays, d’ordinaire paisible capitale économique. D’après des témoignages, cette nuit sera déterminante entre risque d’escalade, de spirale de la vengeance, et d’intervention de l’armée.
L’étincelle qui a provoqué cette explosion de la violence c’est le décès d’un quadragénaire tunisien la veille. Ce dernier a en effet été tué tard dans la nuit du lundi 3 au mardi 4 juillet, en marge de heurts avec des migrants africains à Sfax où la recrudescence de l’immigration clandestine suscite de vives tensions depuis plusieurs mois.
La victime, un homme âgé de 42 ans, a été mortellement poignardé lors d’affrontements entre des habitants d’un quartier du centre de Sfax et des migrants originaires d’Afrique subsaharienne, confirme Faouzi Masmoudi, le porte-parole du Parquet de Sfax.
Une ville sans gouverneur
Réputé ingérable depuis qu’il est en proie à une crise de l’amoncèlement des déchets ménagers fin 2021, le gouvernorat de Sfax reste sans gouverneur depuis le limogeage début janvier 2023 de son gouverneur, Fakher Fakhfakh, pourtant un fervent partisan du président de la République Kais Saïed et qui avait été nommé lui-même de façon éphémère pour combler une vacance de poste de plusieurs mois. « Nul ne veut prendre de décision dans la chaîne de commandement, en l’absence de premier responsable de l’exécutif local », se plaignent des sfaxiens excédés par l’accumulation des crises qui viennent se greffer les unes aux autres. Dernière en date, celle des migrants qui dans l’attente d’une embarcation pour l’Europe, occupent certaines zones commerciales et résidentielles de la ville du sud tunisien.
En l’occurrence, « trois migrants soupçonnés d’implication dans ce meurtre et qui seraient de nationalité camerounaise, selon les informations préliminaires, ont été arrêtés », précise une source judiciaire. Filmés et diffusés chaque nuit sur les réseaux sociaux, des affrontements à coups de jets de pierres opposent depuis dimanche soir des migrants africains à des habitants de Sfax, lors desquels des véhicules et des logements ont été endommagés. La police anti émeutes a fait usage de gaz lacrymogène pour mettre fin aux heurts, tandis que des spéculations font état de déploiement imminent de l’armée.
Sfax demeure le point de passage d’un grand nombre de traversées de fortune vers l’Italie. Ses habitants protestent régulièrement contre la présence de migrants en situation irrégulière et réclament leur départ lors de manifestations inédites depuis le discours devenu célèbre du président Saïed qui a repris à son compte en février dernier la théorie complot du grand remplacement.
Plusieurs ONG locales et internationales dénoncent depuis « les discours de haine et d’intimidation contre les migrants au plus haut sommet de l’Etat qui parle de menace démographique sur l’identité arabo islamique du pays ».