Un Document de Carthage 2.0, pourquoi faire ?
Le « Document de Carthage 2 » serait fin prêt pour être signé vendredi prochain. C’est en tout cas ce qu’a annoncé Nabil Sabï, représentant de l’Union patriotique libre (UPL) à la Commission des experts de la Commission des signataires du Document de Carthage. Obsolète, le pacte de Carthage, premier du nom, sorte de feuille de route de la très instable coalition au pouvoir, tombe donc définitivement aux oubliettes.
« Ce Document sera soumis ultérieurement à la Commission des présidents (Présidents des partis et des organisations signataires du Document de Carthage) pour adoption », a déclaré Saïbi aujourd’hui mercredi. Selon lui, la plupart des membres de la commission des experts réunis mardi ont fait des concessions sur certains points économiques et sociaux du Document.
La mise en œuvre des différents chantiers prévus par le document requiert 4 à 5 ans, alors que le gouvernement en place ne lui reste que 20 mois d’exercice, arguent régulièrement les signataires, opposant le structurel au conjoncturel. D’après Sabï, la Commission des experts aurait par ailleurs réussi à aboutir à un compromis autour du point litigieux relatif à la restructuration du gouvernement.
Démocratie ornementale ?
« La Commission technique a statué sur tous les points litigieux », a pour sa part affirmé Ridha Chkandli, expert économique et représentant d’Ennahdha à la Commission technique.
« Les points ambigus et qui risquent de prêter à équivoque ont été supprimés », a-t-il souligné, citant notamment la signature de certains accords entre le gouvernement et l’Union générale tunisienne du travail, la réforme du système éducatif et la réforme de la fonction publique.
La Commission des experts du Document de Carthage avait abouti le 5 mai courant à l’élaboration d’un document de plus de 100 points à caractère politique, économique et social, selon Noureddine Arbaoui, membre de la Commission. Une fois adopté, ce document devrait définir le programme d’action du gouvernement que ce soit avec la présente composition gouvernementale ou après son remaniement.
D’après Arbaoui, le travail de la commission demeure inachevé jusqu’à l’examen des points litigieux par la Commission des présidents (Présidents des partis politiques et des organisations signataires du Document de Carthage). Selon lui, les signataires du Document de Carthage ont validé 95% des points prévus par ce document et plus particulièrement les points à caractère économique et social.
« Ce document a envisagé certains points politiques relatifs notamment aux Instances constitutionnelles, à la Cour constitutionnelle et à la loi électoral », a-t-il ajouté, faisant remarquer que d’autres points, notamment la restructuration du gouvernement, ont été confiés à la Commission des présidents.
Derrière cette orthodoxie des « commissions » techniques et présidentielles, qui au fond se substituent à la gouvernance des partis élus, se cache en réalité une tendance politique bien tunisienne depuis la révolution de 2011, sorte de peur de gouverner seul et de tout reléguer au consensus, qui en devient consensualisme.
Sursis pour le gouvernement Chahed
Réunis le 3 mars 2018 sous la présidence de la République, Béji Caïd Essebsi, les signataires du Document de Carthage avaient décidé la création d’une Commission qui aura pour mission de définir les priorités de l’économie nationale et de proposer les réformes y afférentes. La commission est composée de deux représentants de chaque parti et de chaque organisation signataires du Document de Carthage.
Avant-hier lundi, le président de la République Béji Caid Essebsi a déclaré lundi que le remaniement ministériel ne figure pas à l’ordre du jour de la réunion du Document de Carthage. « Il faudrait d’abord, parvenir à un accord, sur la politique à adopter, ensuite sur les personnes les mieux habilitées à l’exécuter », soutient-il.
Or, le gouvernement Chahed ne doit probablement son salut qu’au score finalement honorable de Nidaa Tounes aux récentes élections municipales, confortable deuxième, ce qui résultera sans doute en un sursis gouvernemental jusqu’aux législatives de 2019.
Seif Soudani