Tahar Manai n’a toujours pas renoncé à son rêve : conquérir l’Everest
Dans 24h, Tahar Manai, sapeur-pompier de 27 ans qui vit dans l’Essonne, en banlieue parisienne, embarquera de nouveau pour le Népal. Il n’a toujours pas renoncé à son rêve : devenir le premier Tunisien de l’histoire à gravir les 8848m qui font de l’Everest le plus haut sommet du monde.
L’année dernière, pour sa première tentative, celui qui a grandi à Ouardanine, une petite ville à proximité de Sousse, avait été contraint de renoncer. Le 25 avril 2015, un terrible tremblement de terre d’une magnitude de 7,8 avait frappé le Népal, tuant près de 9000 personnes. Des secousses ressenties jusque dans la région du mont Everest et qui avaient provoqué de nombreuses avalanches, ensevelissant une partie du camp de base où se trouvait Tahar Manai. Une vingtaine de personnes sont mortes ce jour-là.
A J-1, comment vous sentez-vous ?
Plutôt bien. Serein. J’ai hâte d’y être : le Népal me manque. J'ai hâte de retrouver les sherpas (NDLR: guides népalais) que j’ai rencontrés l’an passé, de revoir tous ces gens si souriant et aimant. Et surtout de pouvoir mettre en pratique ces longs mois d'entraînement.
Justement, comment vous vous êtes préparé cette année ?
Quasiment comme l’année dernière. Toujours avec mon coach, Vincent Luneau, un champion de triathlon. Mes journées étaient divisées en deux parties. Le matin : une séance de course à pied, de natation ou de vélo, soit en tout deux heures d’entrainement. L’après midi : une séance de renforcement musculaire. A cela, nous avons ajouté cette année une semaine de préparation en montagne par mois, avec Fréderic Hurlin « mon coach montagne » (spécialisé dans le travail en hypoxie). Nous avions accès à une chambre hypoxique qui permet de simuler des altitudes. Il en existe peu en France : nous avons eu donc beaucoup de chance. Cette salle nous a notamment permis de travailler à des altitudes semblables à celle qu’on retrouve au camp de base, soit environ 5400 m. Nous pouvons évidemment varier cette altitude en fonction du besoin, des séances etc. Nous avons également effectué des sorties en terrain enneigé ou sur glacier pour parfaire ma technique. Faute de budget, contrairement à l’an passé nous n’avons pu faire de sommet de préparation… mais cela n’a pas gêné ma préparation ! Il a juste fallu s’adapter, c’est le jeu ! Les entrainements ont donc été très éprouvants. Nous sommes allés souvent au bout de mes limites. Mais c’est le but : bien se préparer ici, c’est être en forme sur les pentes enneigées de l’Everest.
Si vous arrivez au sommet de l’Everest, vous serez le premier Tunisien de l'histoire à atteindre le toit du monde. Votre histoire trouvera-t-elle un écho en Tunisie ?
Je l’espère. J’espère que mon message de détermination résonnera en Tunisie auprès de la jeune génération dont je fais partie, bien souvent en mal d’espoir et d’avenir radieux. A travers mon défi, je veux leur dire et leur montrer que « rien n’est impossible à qui ose rêver et travailler dur, à qui n’abandonne jamais ». Le chemin jusqu’au sommet est encore long, mon ascension et l’écho qu’elle peut avoir ne s’arrêteront pas après l’Everest !
Malgré l’impact que pourrait avoir votre défi, les sponsors ne suivent pas pour autant …
C’est vrai, les sponsors ne suivent pas ! J’ai parfois le sentiment d’être seul contre tous, mais demain je serai au pied de Sagarmatha (NDLR : le nom népalais donné à l’Everest) et je tâcherai de leur prouver qu’ils ont eu tort de n’avoir pas misé sur moi et sur ma détermination ! Ce sommet, je le gravirai «seul». Je n’oublierai pas pour autant tous ces gens qui m’ont fait confiance, m’ont aidé, encouragé et même pour certains, prêté de l’argent pour que je puisse partir de nouveau.
Comment expliquez-vous qu'il a fallu attendre 2015 pour qu'un Tunisien tente sa chance sur l’Everest ?
En Tunisie, il y a un vrai travail de pédagogie à faire sur le rapport à la montagne, à l’alpinisme et au symbole que peut représenter l’ascension d’un sommet. Beaucoup là-bas ne comprennent toujours pas pourquoi j’escalade des montagnes. Mais les choses peuvent changer. Il y a quelques temps, j’ai eu la chance de rencontrer une association en Tunisie. « ASEZ » veut développer les sports Outdoor tels que l’escalade, la spéléologie… Ils ne sont pas les seuls: beaucoup d’actions semblables sont en train de voir le jour. Il y a un réel engouement pour le tourisme dit « Vert », et, bien entendu, je m’en réjouis ! A travers cela, beaucoup de nouvelles perspectives pour la Tunisie et son tourisme : la découverte de « l’arrière pays » notamment, qui regorge de beaux paysages encore vierges. Je pense par exemple à Zaghouan, au nord est de la Tunisie, un site exceptionnel qui gagne à être connu. Alors, j'espère que mon ascension sur L'Everest donnera envie à d'autres Tunisiens de faire de la montagne.
Propos recueillis par Nadir Dendoune