Spéculations sur un changement à la tête du gouvernement
Que se trame-t-il à Carthage et à la Kasbah ? Au moment où le départ inattendu du directeur du Cabinet présidentiel Ridha Belhaj entraîne un remaniement au Palais, la nouvelle, le même jour, de l’hospitalisation du chef du gouvernement Habib Essid pour surmenage, suivie de la réception par le président de la République de plusieurs personnalités et figures nationales, laisse à penser que la liste des changements à la tête de l’Etat risque de s’allonger.
Le remaniement ministériel de janvier dernier a-t-il affaibli le gouvernement Essid au lieu de le renforcer ? Il y a lieu de le penser en ce début février où le couvre-feu est toujours en vigueur, suite aux multiples erreurs de communication qui ont émaillé la gestion de crise du soulèvement de Kasserine, puis la série de mesures annoncées par le chef du gouvernement qui n’ont pas convaincu ni les députés ni l’opinion publique.
Mardi 2 février, un laconique communiqué de la présidence du gouvernement indiquait que « le chef du gouvernement M. Habib Essid a subi un malaise nécessitant un repos de deux jours prescrit par son médecin traitant ». A la Kasbah, on confirme que l’état d’Essid a bien nécessité qu’il soit transporté d’urgence à l’hôpital militaire. Mais selon d’autres sources, qui assurent que le chef du gouvernement « continue de gérer ses dossiers par téléphone avec son chef de cabinet », il se pourrait que l’homme soit indisponible « pour les deux prochaines semaines »…
Coïncidence (ou pas) du calendrier, c’est le moment qu’a choisi Béji Caïd Essebsi pour recevoir consécutivement Ahmed Nejib Chebbi et Mohamed Nouri Jouini, en tête-à-tête prolongé. « C’est un fait rare », soulignent certains observateurs de la vie politique, d’autant que peu de choses ont filtré des deux entretiens, si ce n’est un vague ordre du jour.
Ainsi au terme de la rencontre, Ahmed Nejib Chebbi s’est dit lundi « rassuré par le programme de BCE pour sortir de la crise ». Etonnant revirement d’un homme resté très discret depuis les dernières élections et très critique à l’égard du même Essebsi jusqu’ici. Eternel aspirant aux premiers postes, Chebbi est néanmoins toujours en embuscade en tant que potentiel ministrable, voire « premier ministrable », comme en 2011 où il avait accepté de participer au gouvernement d’union nationale dans les premiers jours de la révolution, une décision qui lui avait coûté cher politiquement.
Mardi, le président de la République a « discuté avec Mohamed Nouri Jouini de la crise actuelle que vit le pays », soulignant qu’il « n’est pas évident » d’en sortir et de mettre en œuvre les réformes nécessaires face à la situation politique et sociale actuelle. Ancien ministre et économiste décrit par ses pairs comme une valeur sûre, le nom de Jouini avait été évoqué en 2013 parmi les favoris du dialogue national pour accéder à la présidence du gouvernement.
S’il est peu probable à moins d’un coup de théâtre que le chef honorifique de Nidaa Tounes se débarrasse à mi-chemin d’Habib Essid, homme de la jonction avec Ennahdha, il est clair que le président Béji Caïd Essebsi est en train de réorganiser Carthage. Cela se fait autour de personnalités dont la loyauté est infaillible, jusqu’à les sélectionner dans sa propre famille par alliance, comme l’illustre le choix de Selim Azzabi pour remplacer le démissionnaire Ridha Belhaj à la direction de son cabinet.
De là à retomber dans les travers du népotisme institutionnalisé, il y a un pas que la présidence a déjà franchi.
Seif Soudani