Tunisie. Spectaculaire limogeage du ministre de la Santé

 Tunisie. Spectaculaire limogeage du ministre de la Santé

Faouzi Mehdi dit avoir appris son éviction « par un ami » puis « dans les médias ». Son départ survient en plein pic de la 4ème vague de Covid19 en Tunisie

Mal planifiée, une campagne « journées portes ouvertes vaccination » a eu raison du ministre de la Santé Faouzi Mehdi (61 ans). Depuis le début de la pandémie, ce sont désormais quatre ministres qui se sont succédés à la Santé en Tunisie, dont deux intérimaires.

 

« Je ne reconnais plus le ministère de la Santé », déplore Mechichi, lui qui a déjà occupé par le passé le poste de chef de cabinet du ministre de la Santé, sans convaincre une majorité d’internautes qui réclament sa propre démission. Pour sa défense, le numéro 1 de l’exécutif affirme que le ministère a agi de façon unilatérale.

 

Annoncées la veille de l’Aïd, les deux journées portes ouvertes vaccination avaient surpris nombre de Tunisiens qui attendaient encore leur tour. Très lente en comparaison avec les pays voisins, la campagne de vaccination nationale, adossée à la plateforme Evax, en est encore dans la capitale à convoquer les natifs des années 70. L’idée était donc, avec l’afflux de nouvelles quantités de vaccins via le récent élan de solidarité internationale, d’entamer parallèlement la vaccination des plus jeunes pour ceux qui le souhaitent.

 

29 centres de vaccination… et autant de clusters

Ce sera du Sinopharm pour les 18 – 45 ans, et de l’AstraZeneca pour les plus de 45 ans. Malgré le relatif scepticisme ambiant entourant ces deux vaccins par rapport aux mieux réputés vaccins ARN messagers, l’enthousiasme, surtout chez les jeunes, se traduit dès les premières heures de la matinée de l’Aïd par d’interminables files d’attente. Des files qui se muent rapidement en bousculades, voire en rixes, dans la plupart des villes du pays.

 

C’est que par manque d’anticipation, les autorités sanitaires ne vont fournir en moyenne pour cette opération qu’un millier de vaccins par centre de vaccination, soit une trentaine de milliers en cette première journée aux allures de test grandeur nature. Dans certains centres comme à Radès, 5 mille personnes attendent sous un soleil de plomb pour moins de 800 tickets distribués. Les esprits s’échauffent et font alors place au chaos généralisé.

Pour le chef du gouvernement, c’est la bévue de trop. Alors que certains gouverneurs suspendent la campagne et que le ministère de la Santé annonce un rétropédalage, l’annonce du limogeage de Faouzi Mehdi tombe en début de soirée du 20 juillet.

Le ministre est en réalité déjà démis depuis plusieurs mois, comme huit autres membres du gouvernement, dont certains continuent d’assurer l’intérim faute de pouvoir procéder à la passation de leurs successeurs à qui le président de la République refuse la prestation de serment. Mais cette double éviction était selon Hichem Mechichi devenue inévitable face à la « gestion calamiteuse » du secteur : « J’espère qu’il n’y a pas autre chose que de l’incompétence derrière ces dysfonctionnements », déclare le chef du gouvernement attablé à la table du ministre qu’il vient de démettre, accusant en cela à demi-mot la présidence de la République, Mehdi, médecin militaire, étant l’un des hommes qui avaient été choisis pour lui par Kais Saïed.

 

Théories du complot

L’incident est une aubaine pour deux versants du populisme à coloration conspirationniste qui a le vent en poupe dans le pays : le PDL d’un côté, Carthage de l’autre.

Ainsi la chef du parti nostalgique de l’ancien régime, Abir Moussi, y a consacré une longue intervention vidéo dans laquelle elle accuse les islamistes, mais aussi la main invisible des mystérieux « architectes du printemps arabe », d’avoir sciemment organisé ces portes ouvertes de la vaccination. Une machination destinée selon elle à « contaminer le plus grand nombre de Tunisiens », de sorte de maintenir le statu quo des confinements et du blocage socio-politique en vigueur, et ainsi empêcher l’émergence de nouvelles forces dont sa formation fait partie.

Même pain béni pour le président de la République très prompt à raisonner en termes de complots maléfiques ourdis contre son règne : « rassembler à dessein les Tunisiens le jour de l’Aïd pour les vacciner est un crime aux visées politiques », déclare-t-il ce matin sur Alarabiya.

 

En attendant de sortir d’une situation d’intérim qui s’installe dans la durée, c’est Mohamed Trabelsi, proche de l’UGTT, qui assurera l’intérim à la Santé, en cumulant avec ce département celui des Affaires sociales. L’homme que l’on dit en coulisses réticent à l’idée de ce cumul avait déjà occupé ce poste de ministre de la Santé durant une courte période en 2017, en remplacement de Slim Chaker décédé en exercice des suites d’une attaque cardiaque.

>> Lire aussi : Covid-19. Tunisie : Réquisition des cliniques privées