Retour de la statue d’Habib Bourguiba, une « restauration » qui divise

 Retour de la statue d’Habib Bourguiba, une « restauration » qui divise

L’orientation de la statue fait débat…


Le président tunisien Béji Caïd Essebsi a inauguré aujourd’hui 1er juin 2016 la statue d’Habib Bourguiba, ou plus précisément le retour de cette même statue déboulonnée sous le régime Ben Ali. Des Tunisiens divisés sur ce retour en grande pompe dénoncent pour certains une « fausse joie ». Explications. 




 


La cérémonie, qui n’était pas sans certaines fautes de goût selon les premières réactions des internautes, s’est déroulée en présence du chef du Parlement Mohamed Ennaceur et du chef du gouvernement Habib Essid, ainsi que du gouverneur de Tunis et du maire de la ville. Sur place, des passants n’ont pas manqué de railler le tapis rouge soigneusement nettoyé par des agents municipaux, une scène évoquant une tutelle que l’on pensait révolue.   


Symboliquement, la restauration a été pensée pour coïncider avec le 1er juin, jour où en 1955, Habib Bourguiba rentrait en Tunisie après plusieurs mois d'exil forcé. Porté par la foule au débarquement du bateau, applaudi tout le long du cortège, il est reçu par le Bey de Tunis au palais de Carthage. Dans sa déclaration aux médias, Béji Caïd Essebsi a insisté sur cet épisode « synonyme d’union nationale dont la Tunisie d’aujourd’hui a besoin pour sortir de la crise ».


Déjà peu convaincus, les journalistes le sont encore moins lorsque le président ajoute : « nous sommes en démocratie, les gens qui ne sont pas contents et nous accusent de culte de la personnalité peuvent toujours manifester ».


Sur les réseaux sociaux, les montages et photos comparatives avec les grandes réalisations du Maroc en matière d’industrie font le tour de la toile. D’autres pointent du doigt la Suisse qui inaugurait aujourd’hui le plus long tunnel au monde, au moment où la Tunisie inaugurait la deuxième plus grande statue du pays, en hommage au « despote éclairé » certes père de l’Etat moderne mais responsable de violations des droits de l’homme non encore traitées par la justice transitionnelle.


D’autres encore se montrent irrités par le fait que, de par son orientation, la statue du leader sur son imposant socle de marbre rose salue le ministère de l’Intérieur historiquement « de sinistre mémoire » en Tunisie.


En utilisant le « nous » dans « nous avons restitué cette statue », Essebsi fait preuve d’un style vertical autoritaire s’agissant d’une décision davantage du ressort des pouvoirs municipaux que d’une présidence de la République. Celle-ci a en théorie beaucoup perdu de ses prérogatives depuis la révolution et la nouvelle Constitution.  


 


Seif Soudani