Remaniement ministériel : 10 ministères concernés, et quelques surprises
C’est dans le courant de cette semaine que le chef du gouvernement Youssef Chahed devrait annoncer un remaniement ministériel très attendu, probablement dès mercredi 6 septembre. Un remaniement qu’il effectue à reculons, avec croit-on savoir quelques surprises à la clé, allant bien au-delà du simple jeu de chaises musicales. Pas moins de dix ministères seraient en effet concernés.
De l’eau a coulé sous les ponts depuis que Youssef Chahed, confronté à la pression médiatique autour de la nécessité d’un remaniement, bottait en touche en juillet dernier en affirmant « nous n’allons pas nous amuser à changer d’équipe de façon arbitraire tous les ans », tout en concédant néanmoins qu’une évaluation de l’action de chacun devrait être faite en tant que préalable.
Cette évaluation individuelle des bilans, Chahed fut finalement contrait de la faire en seulement deux semaines… Au pied du mur après les révélations quant aux ennuis judiciaires de son ministre du Développement Fadhel Abdelkafi, qui comparaît aujourd’hui même lundi devant la chambre pénale au Tribunal de première instance de Tunis, le chef du gouvernement a dû revoir ses plans.
Pas de changement dans les ministères régaliens ?
Il est donc acquis que le remaniement ne vise plus à combler les seuls postes vacants à la tête des ministères de l’Education nationale, des Finances et du Développement, mais sera un changement global de cap, d’équipe, et de politique générale.
Et les tractations font rage à l’heure qu’il est, mettant le jeune Chahed dans une posture délicate : comment concilier entre le souhait de Nidaa Tounes d’une part, sa formation d’origine, de faire main basse sur le gouvernement anciennement « d’union », au nom du scrutin de 2014, le souhait de l’allié Ennahdha d’un remaniement partiel a minima d’autre part, et les souhaits et désirs des Caïd Essebsi père et fils en la matière ?
En engageant un chantier considérable de changement à la tête de 10 ministères, Chahed a visiblement tranché davantage en faveur de Carthage que d’Ennahdha. Cependant, en se dirigeant vers un maintien de Hédi Majdoub à l’Intérieur, le chef du gouvernement fait une concession à Ennahdha qui a particulièrement insisté pour ce maintien. Le parti de Ghannouchi a en effet des raisons historiques d’être préoccupé par un changement qu’il ne maîtriserait pas à la tête de la « dékhiliya », d’autant que Majdoub et son homologue à la Défense sont auréolés d’un relatif succès quant au retour à la stabilité en matière de lutte antiterroriste.
Enjeux idéologiques persistants
En revanche, si les dirigeants d'Ennahdha estiment que les rendements respectifs de Zied Laadhahri à l’Industrie et au commerce et d’Imed Hammami à la Formation professionnelle et l’emploi sont satisfaisants, aux dernières nouvelles Ladhari ne devrait pas être épargné par ce remaniement. Dans le camp moderniste, des voix s’élèvent depuis quelques mois pour appeler à « mettre fin à l’hégémonie gouvernementale d’Ennahdha sur les secteurs directement liés à l’économie et aux services ».
Parallèlement à son abandon du concept d’islam politique, le mouvement islamiste avait explicitement demandé de s’atteler à des portefeuilles dits techniques, ce qu’il avait obtenu en 2016. Mais cela n’est finalement pas du goût d’une partie de l’establishment, même si la fusion des ministères du Développement, des Finances et de l’Industrie en un méga ministère sous l’égide d’Abdelkafi n’est plus d’actualité.
Des proches de Chahed, écartés
Si le ministère du Transport est, sans surprise, concerné, en raison des appels multiples à changer Anis Ghedira en poste depuis le gouvernement Essid, les changements à la tête du Tourisme, de l’Agriculture, la Justice, de la Jeunesse et des sports, et du ministère chargé des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et des droits de l’homme, constituent tous autant de relatives surprises.
Au Tourisme, la femme d’Affaires Selma Rekik Elloumi ne souhaiterait pas prolonger son incursion dans le secteur public, malgré une convalescence des résultats de la saison touristique. A l’Agriculture, Samir Taieb, du parti al Massar, ne s’est visiblement jamais trouvé à son aise s’agissant de sa communication, tandis que la ministre de charme Majdouline Cherni devrait être permutée de la Jeunesse et des sports dans lesquels elle a accumulé les bévues de gestion, aux Relations avec les instances constitutionnelles.
Faisant à son tour face à des ennuis judiciaires pour malversations présumées, le député et homme d’affaires Mehdi Ben Gharbia, pourtant proche de Youssef Chahed, ne devrait pas être reconduit dans la nouvelle équipe.
Enfin, la énième suppression d’un nombre de secrétariats d’Etat auprès de plusieurs ministères serait également à l’examen, une vieille recette déjà appliquée par l’ancien chef de gouvernement Habib Essid à mi-mandat, lorsqu’il en a constaté le coût et la faible valeur ajoutée.
Après l’annonce imminente du remaniement, rendez-vous la mi-septembre, pour le vote de confiance lors d’une session parlementaire extraordinaire au Bardo, un vote dont l’issue ne sera cette fois sans doute pas acquis d’avance.
Seif Soudani