Rejet gouvernemental et populaire en Tunisie d’une intervention militaire en Libye

 Rejet gouvernemental et populaire en Tunisie d’une intervention militaire en Libye

Avion de chasse abattu par des forces rebelles libyennes


La Commission parlementaire de l’organisation administrative et des affaires des forces armées a auditionné à huis clos lundi 15 février le ministre de la Défense Farhat Horchani. Une fois n’est pas coutume, le gouvernement adopte une position officielle sans équivoque : malgré son statut récemment acquis d’allié majeur non membre de l'OTAN, la Tunisie refuse toute intervention militaire en Libye. Souverainisme ? Intérêts économiques, ou pacifisme ? Décryptage.


 


Un refus de principe


« La Tunisie refuse toute intervention militaire en Libye » a confirmé Horchani, soulignant toutefois que le pays fait face à « de sérieuses menaces » en raison de la présence d’un grand nombre de terroristes tunisiens parmi ceux ayant reçu des entraînements en Libye. La déclaration peut paraître paradoxale : est-on cohérent, lorsque d’un côté on craint la recrudescence du djihadisme favorisée par le sanctuaire libyen, et que de l’autre on ne souhaite pas d’intervention militaire pour le juguler ? Le réflexe du pouvoir tunisien s’inscrit ici visiblement dans la droite ligne d’un refus automatique et conservateur de toute frappe étrangère, quelles qu’en soient les visées.


Devant les députés, le ministre a par ailleurs indiqué que le mur de sable érigé le long de la frontière tuniso-libyenne (200 kilomètres à ce jour) reste « insuffisant » s’il n’est pas consolidé par la mise en place d’un système électronique moderne de contrôle, dont le financement et la réalisation sont prévus dans le cadre de la coopération internationale, notamment avec l’Allemagne et les Etats-Unis », a expliqué Horchani.


La situation de la Tunisie « est délicate » a martelé le ministre de la Défense, allusion à la fois à une situation économique sinistrée et un état d’urgence toujours en vigueur. La séance a ensuite abordé le très fragile accord politique trouvé 24 heures plus tôt autour d’un gouvernement d’union nationale. Mais voilà que le Parlement libyen tarde depuis dimanche, date de l’annonce de sa composition, à l’entériner.


Or, si une demande officielle de la part du nouveau hypothétique gouvernement libyen offrirait une caution éthique à l’intervention de l’OTAN, ce dernier pourrait intervenir quoi qu’il arrive, tant certains pays occidentaux dont l’Italie et la France s’impatientent : le premier pour des raisons en lien avec l’immigration clandestine, le second pour des considérations électoralistes à l’approche des présidentielles de 2017…


« Des terroristes menacent de perpétrer des actes terroristes en Tunisie en l’absence de forces libyennes capables de maîtriser la situation actuelle », a enfin mis en garde Horchani. Nous sommes ici dans la spéculation et l’épouvantail terroriste car, pour rappel, aucun acte terroriste n’a été à ce jour perpétré par des ressortissants libyens sur le sol tunisien, malgré les centaines de milliers de résidents en provenance de ce pays en temps de crise.


 


Vers une grande manifestation le 19 février


Aujourd’hui mardi, un comité auto constitué d’une dizaine d’organisateurs, appartenant à diverses ONG, a contacté Le Courrier de l’Atlas affirmant avoir informé les autorités qu’une manifestation aura lieu vendredi après la prière à Tunis, devant le Théâtre municipal, « pour exprimer le refus d’une grande majorité de Tunisiens de frappes de l’OTAN » sur le voisin libyen.


« Cette fois nous constatons une unanimité y compris parmi les partis politiques dans le rejet d’une intervention militaire. Mais ils attendent toujours un déclic populaire pour le faire. C’est donc à nous de nous emparer de cette question dans la rue… C’est la moindre des choses », insiste l’un des jeunes organisateurs, qui dit cependant souhaiter que le sit-in se fasse à l’abri de toute politisation partisane.


Alors que le sort de la Libye se joue dans les tous prochains jours, voire prochaines heures, plusieurs frappes aériennes ont en réalité d’ores et déjà été menées lundi et mardi, en plus des vols de reconnaissance effectués par l’OTAN. A Syrte, elles ont été menés par des chasseurs non identifiés sur des positions contrôlées par Daech, tandis que sur d’autres zones rebelles ont été bombardées par l’aviation loyaliste au Colonel Khalifa Haftar, qui continue cependant de démentir son implication dans de tels raids utilisant pourtant des appareils MIG.


 


Seif Soudani