Ramadan 2019 : que nous apprend la guerre de l’audimat ?

 Ramadan 2019 : que nous apprend la guerre de l’audimat ?


Devenus au fil des ans un enjeu considérable en termes d’audience et de revenus pour les chaînes TV, les premiers jours du Ramadan donnent le ton de l’audimat du mois saint, synonyme de grosses productions annuelles en Tunisie. En se hissant à la 2ème place quelques jours seulement après la reprise de la diffusion de ses programmes, Nessma TV tient une revanche politique. Décryptage.



Le premier épisode de "Awled Moufida" totalise pour sa rediffusion sur Youtube 1,3 million de vues en 24 heures



Classement par chaîne TV


 



Classement par programme


 


Bien que contesté par certains, l’institut de sondage Sigma n’en a pas moins choisi une méthodologie rigoureuse pour son baromètre publié mardi soir, le « magazine des médias », selon son président Hassan Zargouni, consistant en des enquêtes quotidiennes sur l'audience de la veille auprès des individus représentant les différentes classes d’âge, de catégories socioprofessionnelles, couvrant l’ensemble du territoire national et à égalité entre hommes et femmes.


« Les informations sont collectées sur l’audience veille des chaines de TV et par quart d’heure (pénétration globale de la TV, pénétration par chaîne TV, audience croisée des chaînes, part d’audience des chaînes, durée moyenne d’audience au global et par chaîne TV, audience et part d’audience des émissions, profil des téléspectateurs par chaîne TV et par programme…) ». Des informations qui permettent de calculer le « gross rating point » ainsi que les indicateurs de la rentabilité publicitaire.


 


Le rouleau compresseur « Awled Moufida »


Confortable premier au premier jour du ramadan, Elhiwar Ettounsi se maintient cette année encore à la première position, avec près de 4,8 millions de téléspectateurs qui monopolisent un impressionnant 48,2% de l’audience totale en soirée. Un leadership qui doit beaucoup à son feuilleton vedette, Awled Moufida (Les fils de Moufida), dans sa saison 4, sorte de croisement entre l’inspiration « bad boys » tatoués de la série américaine Sons of Anarchy avec la culture locale, dirigé par le magnat et ancien journaliste Sami Fehri.


Critiquée pour sa vulgarité, son langage fleuri et sa mise en scène du grand banditisme glamourisé, certains y voient au contraire une « éclaircie viriliste » salutaire et revendiquée, en cette époque souvent perçue comme étant celle du défaitisme de la condition masculine. Ainsi « Moufida », la comédienne et professeure de théâtre Wahida Dridi y incarne autant une femme forte qu’une figure du matriarcat traditionnaliste à l’ancienne, aux prises avec des fils têtes brûlées.      


A titre d’exemple, le premier épisode de ce succès phénoménal dans sa saison 3 (2018) totalise à ce jour près de 5 millions de vues dans sa rediffusion sur Youtube. Devenue incontournable, la série est appréciée telle une institution jusqu’en Algérie et dans d’autres pays arabes qui la visionnent assidument en prime time.


Cette année la série abordera la thématique de la contrebande et de l'économie parallèle, nous a confié l'une des actrices stars, Nedra Lamloum.


 


Nessma TV solide deuxième


Ayant déposé un recours la semaine dernière auprès de la Haute autorité indépendante de l’audiovisuel après la polémique saisie policière musclée de son matériel, la chaîne Nessma TV n’a pas perdu de temps en reprenant la diffusion de son contenu enregistré. En se hissant aussitôt à la 2ème place, avec plus du quart de l’audience, soit 2,6 millions de téléspectateurs, son patron, également 2ème en termes d’intentions de vote à la présidentielle, peut savourer ce qui s’apparente à une victoire politique.


Epinglé pour populisme, voyeurisme type charity-business et autres pratiques flirtant avec les limites de la déontologie du métier, l’homme d’affaires a néanmoins su trouver une formule qui fonctionne à merveille auprès des foyers tunisiens, « spécialement les ménagères » aiment à plaisanter les Tunisiens : des feuilletons turcs doublés en tunisien dialectal, qui hypnotisent littéralement leurs adeptes.


Pour sa grille ramadanesque, la chaîne tente surtout en outsider de contrer le créneau horaire Awled Moufida, en alignant « Bnet Fadhila » (Les filles de Fadhila), qui grapillent efficacement des parts de marché grâce à un casting prestigieux faisant appel notamment à l’actrice Mouna Noureddine, secondée par Dali Ben Jemaa.


Progressant à la 3ème place, au-dessus du million et demi de spectateurs, après un ramadan 2018 en demie teinte, la chaîne Attassia a pour autant demandé à être retirée des études Sigma, ses responsables n’étant pas convaincus par la validité de ce classement.