Ramadan jour 1 : quand les rideaux de fer s’abaissent, les déjeuneurs s’organisent
6 juin, premier jour de la semaine, mais surtout premier jour de ramadan en Tunisie, comme dans plusieurs autres pays du monde musulman. La quiétude matinale tranche nettement avec l’effervescence habituelle d’un lundi matin dans la capitale tunisienne : peu ou pas de ralentissements sur les routes et surtout des rues entières de rideaux de fer baissés, ceux des cafés et restaurants fermés en cette période de jeûne.
Les Fataras s’organisent
Dans ce désert, seul le non-jeûneur initié en quête d’un café ou d’un déjeuner saura trouver un endroit où se restaurer ou se désaltérer alors que la température flirte avec les 30° à l’ombre. Les « fataras » (« déjeuneurs » en arabe) s’organisent et s’échangent leurs adresses, sur Facebook notamment. Dans le groupe « #Fater » (singulier de fataras), qui existe depuis plusieurs années, les publications se multiplient depuis lundi matin, après 11 mois de calme plat. Les nouveaux venus affluent également : pas moins d’une centaine de nouveaux membres dénombrés en seulement 30 minutes en milieu d’après-midi.
Les Européens, réputés non-jeûneurs parce que non musulmans, ne sont pas les seuls à chercher une bonne adresse. Les Tunisiens semblent même les plus nombreux et les plus actifs dans ce groupe. « Un café au Nasr / Manzah ? », tente Aymen, ou « dans les environs de l’Ariana », demande Ismail. D’autres préfèrent attirer l’attention sur l’inflation qu’ils constatent sur les cartes des rares établissements ouverts en cette période. L’un d’eux lance même « un appel de boycott des cafés et restaurants chers qui abusent de notre iFtar pour se remplir les poches ».
Il faut dire que la quasi-totalité des restaurants, cafés et fast-food les moins chers ferment boutique pendant ramadan, leur clientèle populaire étant plus pratiquante que les milieux plus aisés. Ceux qui restent ouverts se situent principalement dans les zones plus huppées de la capitale tunisienne ou dans les quartiers de bureaux. C’est notamment le cas du restaurant le Paradiso, mitoyen du siège d’une banque d’affaires du quartier de Lafayette.
Une majorité de restaurants plutôt haut de gamme
Depuis deux semaines, une petite affichette collée sur la porte indique que l’établissement accueillera sa clientèle « pendant le mois de ramadan ». « Nous avons des mois compliqués depuis le début de l’année, mais on commençait à voir une petite reprise, donc je me suis dit qu’on allait rester ouverts », explique indique Sofia Chadli, la propriétaire des lieux.
Mme Chadli affirme n’avoir eu que des réactions positives depuis 15 jours même si, sur les conseils de son entourage, n’a « pas voulu préciser si c’était ouvert le soir ou en journée sur l’affiche pour ne pas avoir de problème », indique-t-elle, citant la proximité de quartiers réputés chauds. Mais, « la porte est ouverte, et le rideau est relevé », contrairement à la majorité des lieux ouverts à cette époque. Elle compte davantage sur le bouche à oreille et sur les réseaux sociaux pour attirer les déjeuneurs.
La clientèle habituelle est surtout composée d’Européens, de cadres locaux et de Libyens résidant à Tunis. Pendant ramadan, elle compte sur les premiers et les seconds pour occuper ses tables en journée et sur les derniers pour les menus de rupture du jeûne. Celui-ci, cuisiné par un spécialiste de la cuisine tunisienne recruté spécialement pour le mois sain, s’affiche d’ailleurs à 30 dinars, environ deux fois plus que dans les restaurants d’entrée de gamme de Tunis.
Rached Cherif