Tunisie. Que sait-on de l’arrestation de Nabil Karoui en Algérie ?

 Tunisie. Que sait-on de l’arrestation de Nabil Karoui en Algérie ?

Nabil et Ghazi Karoui

L’homme d’affaires, magnat des médias et chef du parti Qalb Tounes, Nabil Karoui, a été arrêté hier dimanche en compagnie de son frère le député Ghazi Karoui, selon des sources désormais officielles en Algérie. Ils devraient comparaître ce matin lundi devant un tribunal algérien. Leur extradition rapide vers la Tunisie est pour beaucoup d’observateurs « plus que probable ».  

Des sources concordantes révèlent que l’arrestation des deux frères aurait eu lieu à Tébessa, ce qui laisse à penser qu’ils n’ont pas eu le temps de se déplacer au-delà de cette ville située à l’est du pays, près de la frontière algéro-tunisienne, à quelques kilomètres de Kasserine.

Ils se trouvaient dans un appartement situé dans une zone résidentielle du centre-ville. D’après des sources algériennes, les Karoui auraient traversé les frontières clandestinement, c’est pourquoi ils devront au minimum s’acquitter d’une amende avant que la justice algérienne ne statue sur leur sort en vertu de l’accord de coopération judiciaire entre l’Algérie et la Tunisie.

L’épouse de Nabil Karoui, Salwa Smaoui, qui était également sur place, a été laissée en liberté. Quatre autres personnes ont été arrêtées dans l’opération. Selon « Al Ghad TV », l’un d’eux est le frère d’un ancien parlementaire algérien ayant fourni l’hébergement aux Karoui.

 

L’ancien candidat au second tour de la présidentielle de 2019 n’avait plus accordé de déclarations aux médias ni même été vu publiquement depuis sa libération de prison fin février dernier contre une importante caution de 10 millions de dinars. Il avait été incarcéré à la prison civile de la Mornaguia, et avait bénéficié d’une libération conditionnelle contre une garantie financière, et ce après un deuxième séjour de 6 mois en prison suite à une affaire de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale.

Mais depuis le coup de force présidentiel du 25 juillet, c’est cette fois le cercle proche du politicien, dont les députés de son bloc parlementaire, qui affirmaient ne pas savoir où il se trouve. Le fondateur de Nessma TV avait de quoi être échaudé par les interdictions de voyage et le coup de filet en cours qui visent plusieurs symboles du monde des affaires soupçonnés de corruption, dont récemment l’assignation à résidence de Slim Riahi jusqu’en Grèce.

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Certains avait spéculé que Karoui se trouvait en France, d’autres cadres de son parti connu pour son charity business ayant trouvé refuge à Paris.

 

Echange de faveurs entre Tunis et Alger ?

Le soir du 29 au 30 août, les spéculations vont bon train dans plusieurs médias algériens sur un présumé échange de bons procédés entre les deux pays, les coïncidences étant bien trop nombreuses et concomitantes pour conclure à tout autre scénario.

Mercredi 25 août, l’activiste algérien Slimane Bouhafs, 55 ans, avait en effet été « kidnappé par trois individus dans un véhicule banalisé » près de son domicile à la Cité Ettahrir à Tunis où il résidait depuis 2018, selon sa famille qui affirme que la police tunisienne dit ne pas être derrière une arrestation du militant. Mais des doutes persistent sur l’identité des ravisseurs en civil. Un professionnalisme qui laisse à penser qu’ils appartiennent aux « services ».

Placé pourtant sous protection du Haut-Commissariat des Nations Unis pour les réfugiés (HCR) à Tunis depuis 2018, l’homme a fini entre les mains de la police algérienne qui l’a placé en garde à vue depuis dans un commissariat d’Alger, interpellé vraisemblablement pour ses « relations avec le président du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK), Ferhat M’Henni ».

Une source algérienne avance que Slimane aurait « une relation très solide avec Ferhat car ils s’appelaient très régulièrement pour échange d’informations sur l’évolution de la situation en Kabylie ». Boufahs est par ailleurs de confession chrétienne et avait été condamné en Algérie pour des publications considérées comme blasphématoires sur les réseaux sociaux « portant atteinte au Prophète Mahomet ».

Pour L’avant-garde, « Slimane Bouhfas a été victime d’un accord d’échange conclu par le pouvoir tunisien avec l’Algérie qui cherchait à rapatrier Nabil Karoui, en fuite en Algérie depuis sa sortie de prison » […]. « C’est Carthage, qui mène ces derniers jours une campagne contre la corruption dans le monde politique, qui a demandé à l’Algérie l’extradition vers la Tunisie de l’homme d’affaires. L’Algérie n’a pas hésité à répondre à la demande tunisienne en exigeant en échange l’extradition vers l’Algérie du réfugié politique, Slimane Bouhafs ».

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Un épisode qui n’est pas sans rappeler la sinistre extradition du libyen Baghdadi Mahmoudi. Le 8 novembre 2011, la justice tunisienne s’était prononcée en faveur de son extradition vers la Libye. Le président Marzouki, en l’absence de garanties sur un procès équitable, n’avait pas donné pas son aval à la remise de Madhmoudi aux autorités libyennes, mais le gouvernement tunisien avait alors pris la position opposée et autorise l’extradition de l’ancien chef du gouvernement. En juin 2012, ce dernier arrive en Libye où il est placé en détention. En 2015, il est condamné à mort.

L’article 26 de la Constitution tunisienne interdit catégoriquement l’extradition de réfugiés politiques.