Quand le président Kais Saïed contrevient au couvre-feu

 Quand le président Kais Saïed contrevient au couvre-feu


Un président de la République peut-il allègrement bafouer un couvre-feu nocturne qu’il a lui-même promulgué avec fermeté ? Une vidéo montrant Kais Saïed et sa garde rapprochée se mêler à une foule compacte, tard dans la nuit de jeudi à vendredi 17 avril, choque l’opinion publique en Tunisie.



 


Au moment où le pays retient son souffle dans la journée de vendredi en attendant la décision du Conseil de sûreté nationale, qui devrait se conformer à l’avis du comité médical de la Kasbah recommandant une prolongation du confinement au moins jusqu’au 3 mai prochain, c’est une incompréhension mêlée à un sentiment d’indignation qui prime parmi de nombreux Tunisiens face à la scène surréaliste.


Cela se passe dans le gouvernorat de Kairouan, où le président Kais Saïed avait décidé de se rendre jeudi après-midi, à la faveur de l’une des visites inopinées qu’il pratique souvent, dans une usine de fabrication d’équipements de protection médicale. On le sait, Saïed aime à s’attarder lorsqu’il est en déplacement : cette fois, entre les demandes de selfie des passants, les photos de groupe, et autres conversations et aides individuelles auxquelles il s’adonnera, le président et son cortège se retrouvent encore dans la région à la tombée de la nuit, bien après 18h00, heure limite du couvre-feu qu’il avait lui-même décrété en mars dernier.


Sur la route du retour, au niveau de la délégation de Hafouz, le président va demander à descendre de son véhicule une nouvelle fois, apparemment pour s’enquérir en personne de la situation des riverains. C’est là qu’il va croiser un homme, un œuf à la main, qui lui jure qu’il s’agit là de son seul diner. Dans la foule compacte qui se forme alors, le président charge des agents de la garde présidentielle de lui retrouver l’homme en question, surnommé « l’homme à l’œuf ». Aujourd’hui, ce dernier témoigne : tous ses frais médicaux seront honorés, à charge de l’Etat, lui qui sortait d’hospitalisation, révèle-t-il.   


Mais plusieurs interrogations restent en suspens. Avant même de quitter les abords de l’usine qu’il est venu visiter, le chef de l’Etat a méprisé, tout comme l’équipe des ouvriers, les consignes les plus élémentaires de distanciation sociale en vigueur. Mêmes scènes de foule épaule contre épaule, dans la même journée du 16 avril, lors de l’inauguration d’une unité médicale à Sahloul, à Sousse, par le ministre de la Santé Abdellatif Mekki, une visite moquée par les internautes.


La veille de l’annonce d’une prolongation du couvre-feu et du confinement général, ces scènes font tache. Par populisme ou par zèle excessif, les plus hauts responsables de l’Etat, censés se montrer exemplaires, s’y couvrent de discrédit, voire de ridicule. Ils mettent assurément en danger non seulement la délégation qu’ils emportent avec eux, les agents de la Garde nationale parfois sans masques, ainsi que les attroupements humains que ces visites créent.


 


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