Promulgation de la loi de réconciliation : une victoire politique pour Carthage
C’est fait ! Au terme de deux ans et trois mois d’un long feuilleton politico-judiciaire, le président de la République Béji Caid Essebsi a paraphé ce mardi la loi de réconciliation administrative, ce qui revient à entériner sa propre proposition de loi. Vidée de sa substance, la loi toujours appelée « loi d’amnistie » par ses détracteurs, n’en demeure pas moins une victoire avant tout symbolique de la présidence.
« Cette nouvelle loi, adoptée le 13 septembre dernier par le parlement, vise à asseoir un climat favorable à la libération des initiatives au sein de l'administration, à la promotion de l'économie nationale et au renforcement de la confiance dans les institutions de l'Etat », explique la présidence de la République.
Réunie pour rappel le 17 octobre, l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi (IPCCPL) avait décidé de renvoyer le projet de loi organique n°2015-49 relatif à la réconciliation administrative au président de la République, en l'absence de la majorité des voix requises pour statuer sur les recours intentés contre ce texte (3 voix pour et 3 voix contre).
D’aucuns ont alors fustigé que le président devienne en l’occurrence juge et parti pour ratifier sa propre loi… Une situation inédite dans la jeune 2ème République tunisienne, après que le texte, devenu sorte de patate chaude pour d’autres institutions, ne revienne à sa source.
Dans une tribune publiée hier 23 octobre, le juriste Fadhel Moussa considère cependant que la loi ne nécessitait en réalité nullement la signature du président de la République, et ce en vertu du principe consistant en ce que le doute doit de facto bénéficier à la loi.
De l’eau a coulé sous les ponts depuis la première version du texte maintes fois amendé sous la pression de la société civile, et dont il ne reste que le volet administratif. Mais cette victoire normalisatrice pourrait ouvrir la voie vers une prochaine amnistie désormais décomplexée d’hommes d’affaires liés à l’ancien régime, c’est en tout cas ce que pensent certains avocats proches de l’opposition.
Composée de 8 articles, la loi organique de réconciliation administrative a été votée d’une courte majorité au Parlement, à 117 députés en session parlementaire extraordinaire à la mi-septembre, à l’issue d’une journée de débats houleux lors d’une session extraordinaire.
Exténuées par deux années de manifs, l'opposition et plusieurs ONG jugent au contraire que la loi va « encourager l'impunité » alors que la Tunisie est gangrenée par la corruption, du propre aveu des autorités.
S.S