Tunisie. Prolongation de l’état d’exception: les réactions se multiplient à l’international
Etant donnée la lenteur des mesures qui l’accompagnent, il était quelque peu prévisible que l’état d’exception décrété par le président Kais Saïed serait prolongé un mois plus tard, conformément à une lecture très libre de la Constitution par Carthage. Tombée tard dans la nuit du 23 au 24 août, la mesure n’en engendre pas moins de craintes, en Tunisie comme à l’étranger, quant au devenir du pays et de ses institutions démocratiques.
« Jusqu’à nouvel ordre »… C’est en ces termes flous que le laconique communiqué du Palais évoque ce qu’il est convenu d’appeler le provisoire qui dure, promettant une allocution au peuple pour bientôt. Concrètement, si durant ces 30 derniers jours des dizaines de responsables gouvernementaux et locaux ont été limogés ou remplacés par la présidence en vertu des soupçons de corruption les concernant, et que d’autres ont été assignés à résidence, la formation d’un gouvernement intérimaire, promise par le président lui-même, n’a pas avancé d’un iota, en dehors de trois portefeuilles névralgiques que sont la Santé, les Finances, l’Intérieur.
Pour de nombreux observateurs, le président Saïed se complairait dans une situation de vacuité gouvernementale qui apporterait la preuve, in fine, que l’Etat est gérable de façon unilatérale, voire peut-être mieux géré en l’absence de ministres et de députés, ce qui tendrait de fait à démontrer tout le bien-fondé de la doctrine présidentielle, mélange de fédéralisme, d’autogestion et de présidentialisme.
Réaction d’un rapporteur permanent du Parlement européen
Député européen depuis 1999, l’élu allemand Michael Gahler (CDU) est président de la délégation pour les relations avec le Parlement panafricain et vice-président de la délégation à l’Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE. Il est également membre de la Commission des affaires étrangères et de la sous-commission sécurité et défense. Il a condamné en des termes durs la décision de la présidence tunisienne de prolonger sine die les mesures d’exception, « une attaque contre le coeur de la démocratie » selon Gahler.
C’est avec horreur que j’ai appris la nouvelle sur la prolongation de la suspension du parlement tunisien à durée indéterminée. C’est une attaque contre le coeur de la démocratie tunisienne! #Tunisie #TnPR pic.twitter.com/4TT3knm65M
— Michael Gahler (@gahler_michael) August 24, 2021
« J’appelle la Commission européenne à examiner immédiatement des mesures permettant le retour au cadre de la constitution tunisienne », ajoute-t-il.
Réactions dans le sénat US
Même tonalité de la part du sénateur américain démocrate du Connecticut, Chris Murphy, qui siège dans la Commission chargée des Affaires étrangères et du contre-terrorisme.
« Les Etats-Unis et nos alliés démocrates ont appelé avec insistance ces dernières semaines un retour à la voie démocratique en Tunisie, de sorte de préserver la transition démocratique historique de ce pays. Je suis profondément déçu qu’au lieu de désigner un Premier ministre et de restaurer la démocratie parlementaire, le président Kais Saied ait annoncé extension de l’état d’exception indéfiniment. La Tunisie doit faire face à de nombreux défis dont la lutte anti corruption, la gestion de la pandémie de Covid-19, et le retour à la croissance économique, ce qui requiert que l’ensemble des forces vives du pays soient impliquées. J’en appelle au président Saied pour mettre fin à cet état de vacuité politique le plus tôt possible […] », a déclaré le sénateur hier 24 août, lui qui avait déjà dit sa préoccupation dès le 27 juillet dernier.
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