Projet de loi de réconciliation : vers la « lutte finale » ?

 Projet de loi de réconciliation : vers la « lutte finale » ?

Une victime de l’ancien régime


L’Instance Vérité & Dignité a repris lundi 31 août les séances d’audition individuelles des plaignants ayant déposé leurs dossiers que ce soit en tant que victimes des violations telles que définies par la loi organique relative à la justice transitionnelle, ou en tant qu’auteurs de violations ou encore de témoins. En se mettant en ordre de bataille, recentrée sur les victimes, c’est un message déterminé que l’IVD envoie à ceux qui cherchent à torpiller le processus de justice transitionnelle de l’extérieur comme de l’intérieur.


Douze salles d’écoute ont été aménagées pour accueillir quotidiennement les victimes venues cette fois des quatre coins du pays, par ordre chronologique du dépôt des plus de 16 000 dossiers reçus par l’Instance à ce jour. Parmi elles, deux salles sont réservées aux requérants de séances d’arbitrage et de conciliation (250 au total, dont une dizaine d’hommes d’affaires liés à l’ancien régime).


L’étau se resserre en revanche autour du projet de loi de réconciliation économique de la présidence de la République, qui pourrait bien être mort-né avant même d’être soumis à la commission législation de l’Assemblée des représentants. C’est en tout cas ce que s’est promis d’accomplir une large coalition civile et politique, allant de la gauche radicale au centre, comprenant la plupart des associations impliquées dans le champ de la justice transitionnelle.


 


Aujourd’hui mardi est un deuxième jour test pour juger de l’ampleur de la mobilisation populaire contre le projet de loi, après une première initiative symbolique organisée par de jeunes activistes, au même endroit en marge d’un débat de l’ONG I Watch. Cette fois, Place Mohamed Ali, haut lieu de la lutte syndicale, ce sont des centaines de citoyens qui sont attendus. Ils comptent défier l’état d’urgence, mesure accusée de faire l’objet d’instrumentalisation politique des mêmes auteurs de la loi afin d’empêcher toute tentation contestataire.


« Un régime assez stupide pour émettre un tel texte de loi est tout à fait capable de nous réprimer aujourd’hui », estime Ayoub Amara, l’un des meneurs de la manifestation, en prévision de son départ.


Dernier organisme en date à mettre en garde contre les conséquences du projet de loi, Transparency International a publié lundi 31 août un communiqué condamnant fermement « le blanchiment des corrompus ».


Annoncée fin août par la Banque centrale, l’entrée de la Tunisie en récession technique vient indirectement consolider l’argumentaire des pro projet de loi dont le principal argument est la crise économique structurelle que traverse le pays depuis la révolution. D’anciens RCDistes, ont de leur côté lancé lundi une pétition ambitionnant de réunir « 50 000 signatures en faveur de la loi de réconciliation économique », ce qui n’est pas sans rappeler les campagnes de plébiscites dites novembristes dont usait fréquemment l’ancien régime.


Seule menace qui pèse sur les efforts en faveur du retrait du projet de loi, l’âpre lutte d’égo, sur fond de nuances idéologique, que se livrent les leaders du mouvement contestataire, entre « CPRistes » et extrême gauche libertaire associée au Front Populaire.


Premier élan de cette envergure depuis le sit-in Errahil de 2013, tous ont en effet compris le gain politique ou de réhabilitation sur le devant de la scène que pourrait tirer le leadership de l’opposition à un projet de loi en passe de requérir la tête de l’exécutif, surtout en cas d’escalade.


 


Seif Soudani