Projet de loi de réconciliation : la spirale de la répression
Tunis – Prévisibles, les autorités ont choisi l’escalade répressive contre les centaines de manifestants rassemblés pacifiquement mardi en fin de journée dans ce qu’ils pensaient être un sanctuaire, Place Mohamed Ali, en présence de nombreux leaders syndicaux eux aussi interpelés.
C’est devant la Commission législation générale que le controversé projet de loi dit de réconciliation dans les domaines économique et financier sera soumis aux députés dans quelques jours, une commission présidée par l’élu Nidaa Tounes Abada Kéfi, ex avocat notamment du général Ali Seriati et avant cela de Moncef Ben Ali, frère de l’ancien dictateur.
Avant cela, la même commission s’attèle à la mise en place, sur le tard, de la Cour Constitutionnelle, ce que certains observateurs estiment être un ordre chronologique savamment étudié, de sorte de s’assurer d’une composition de la Cour garantissant le moins de risques possibles d’un verdict de non constitutionnalité des futures lois votées par la majorité.
« Répression d’une violence inédite depuis les dernières élections »
Rapidement encerclés dans un premier temps Place Mohamed Ali par une ceinture de policiers anti-émeute, les manifestants ont tenté de marcher sur l’Avenue Bourguiba où ils furent accueillis par des coups de matraque et des bousculades. Un « plan B » prévoyait un rassemblement devant le théâtre municipal, mais le groupe fut dispersé par les motards en civil. Parmi les blessés transportés aux urgences, la fille cadette du martyr Mohamed Brahmi.
« Le plus remarquable lors de cette mobilisation, c’était que tous étaient unis par une même cause : leaders de l’UGET, jeunes du Front Populaire, députés d’opposition, cadres d’Attayar, du CPR, d’al Jomhouri, et de simples citoyens », rapporte un témoin qui ajoute que tous ont été indistinctement agressés sans préavis. Arrêtés quelques heures en vertu de l’état d’urgence, la plupart des détenus furent libérés à la tombée de la nuit, mais après intervention de dignitaires syndicaux et politiques auprès des autorités.
L’opinion publique commence tout juste à prendre la mesure du champ d’application du projet de loi de réconciliation. Economique en apparence, l’amnistie qu’il propose concerne en réalité l’ensemble des fonctionnaires de l’Etat en lien avec l’ancien pouvoir, y compris dans la magistrature, le parlement de Ben Ali, et divers officiels, selon une précision du ministre du Développement Yassine Brahim mercredi 2 septembre.
Seif Soudani