Présidentielle : Youssef Chahed renonce à sa binationalité
Youssef Chahed a révélé hier 20 août en fin de journée avoir déposé une demande de renonciation à sa nationalité française en vue de se présenter à l’élection présidentielle anticipée du 15 septembre. Certains de ses adversaires politiques ainsi qu’une partie de l’opinion publique estiment que le chef du gouvernement en exercice aurait dû informer les Tunisiens de sa binationalité avant sa prise de fonction.
Le candidat qui fait partie des favoris a ainsi fait savoir sur les réseaux sociaux détenir une deuxième nationalité sans toutefois préciser laquelle. Il a indiqué y avoir renoncé avant de présenter sa candidature au scrutin présidentiel prévu en septembre prochain.
Or, l’information de cette naturalisation passée n’était pas connue avant que Chahed ne la divulgue mardi soir, ce qui provoque la surprise de certains de nos confrères qui avaient essayé en vain de tirer les choses au clair, l’entourage de l’intéressé ayant même nié cette double nationalité.
« L’article 74 de la Constitution stipule que tout candidat à la présidence de la République titulaire d’une autre nationalité doit présenter un engagement d’abandon de la deuxième nationalité à l’annonce de son élection. Comme des centaines de milliers de Tunisiens ayant résidé et travaillé à l’étranger, j’étais titulaire d’une deuxième nationalité à laquelle j’ai renoncé avant même de présenter ma candidature. Les postulants à la magistrature suprême ne doivent pas attendre leur élection pour le faire. J’invite tous les candidats dans cette situation à faire de même ». C’est en ces termes que le candidat s’est enorgueilli d’avoir pris les devants, tout en mettant au défi ses adversaires.
Nous savons en effet que plusieurs d’entre eux, dont notamment Mehdi Jomâa et Nabil Karoui, deux autres favoris, sont porteurs d’autres nationalités. « Certains internautes découvrent que la classe aisée est souvent binationale », commentent des incrédules sur Twitter.
« Première crise de communication de la campagne Chahed » ?
Une source proche de Youssef Chahed a déclaré que ce dernier, qui avait fait des études en France, était titulaire de la nationalité française avant d’y renoncer le jour où il a déposé sa candidature au scrutin présidentiel en réalité dès le 9 août dernier.
Pour l’analyste Lotfi Saïbi, qui ne remet pas en cause le patriotisme de Chahed, il s’agit là du « premier test pour le nouveau directeur de campagne de Youssef Chahed, Selim Azzabi (lui-même binational selon plusieurs sources, ndlr) et son équipe de communication face à leur première crise ». Les détournements des facétieux réseaux sociaux sont en effet légion : certains ont aussitôt détourné le slogan de campagne de Tahya Tounes en « Vive la Tunisie… et la France ! »
« Complexes post-coloniaux vivaces » pour certains, « faux problème » pour d’autres, la polémique n’en est pas moins réelle.
Youssef Chahed avait occupé des postes de responsabilité au gouvernement Habib Essid (2015-2016). Il occupe le poste de chef de gouvernement depuis 2016. Or, son adversaire actuel pour la conquête de Carthage, Mehdi Jomâa, avait divulgué sa binationalité du temps il était encore Premier ministre, tout comme l’actuel ministre du Tourisme René Trabelsi.
En vertu de l’article 74 de la Constitution tunisienne de 2014, si le candidat à la présidence de la République est titulaire d’une autre nationalité que la nationalité tunisienne, il doit présenter dans le dossier de candidature un engagement stipulant l’abandon de l’autre nationalité à l’annonce de son élection en tant que président de la République.
Être titulaire d’une double nationalité pour les postulants à la magistrature suprême a longtemps suscité une polémique sur la scène politique tunisienne avant qu’elle ne soit tranchée constitutionnellement, du temps de l’ancien président Moncef Marzouki, lui-même ancien résident en France. Quant à Mehdi Jomâa, il s’était engagé pour sa part lors de son dépôt de candidature à abandonner sa nationalité française, mais sans avancer de date précise.
Le Journal officiel de la République française du 20 août 2019 a publié l’information de l’abandon par Youssef Chahed de la nationalité française. Avec cette mention : « Art 2: sont libérés de leur allégeance à l’égard de la France… ». Ce qui peut expliquer cette annonce tardive de la campagne électorale de Chahed, qui aura donc attendu cette officialisation côté français.