Tunisie. Présidentielle. Maître Messaoudi : « Mon client Ayachi Zammel est toujours candidat »

 Tunisie. Présidentielle. Maître Messaoudi : « Mon client Ayachi Zammel est toujours candidat »

Ramzi Jebabli, directeur de campagne du candidat Ayachi Zammel

Condamné à une sentence extrêmement sévère de 12 années de prison ferme pour des accusations liées à des falsifications de parrainages, Ayachi Zammel (47 ans), un des seuls trois candidats autorisés à concourir n’est théoriquement plus en lice pour le scrutin du 6 octobre. Ce n’est toutefois pas l’avis de ses avocats.

Selon Faouzi Jaballah, membre du comité de défense de Zammel, la jeune Siwar Bargaoui (24 ans), trésorière et secrétaire générale du mouvement Azimoun dirigé par Zammel, a elle aussi écopé de 12 ans de prison dans la même affaire. Ces deux jugement peuvent cependant faire l’objet d’un appel, a précisé Jaballah.

Mardi 1er octobre 2024, l’équipe de campagne de l’homme d’affaires tout comme une grande partie de l’opinion ont été abasourdis par la peine prononcée contre lui : le candidat écope en effet de douze années de prison, en cumul des condamnations prononcées à son encontre par la chambre criminelle près le Tribunal de première instance de Tunis 2, dans le cadre de quatre affaires de falsification de parrainages, soit trois ans de prison pour chacune, sachant que 14 plaintes au total avaient été initiées. Selon le porte-parole du tribunal, Ayachi Zammel a également été interdit de vote. Mais qu’en est-il de son éligibilité ?

Industriel dans l’agroalimentaire et ancien député peu connu du grand public jusqu’à sa candidature à la magistrature suprême, Ayachi Zammel a été arrêté dès le 2 septembre pour des soupçons de faux parrainages. Dans une affaire où le tribunal de Manouba, en banlieue de Tunis, l’avait remis en liberté le 6 septembre, il a été immédiatement de nouveau arrêté sur instruction du tribunal de Jendouba pour des accusations similaires, tandis que la juge qui a ordonné sa libération a été aussitôt mutée.

 

Situation inédite et flou juridique

L’autorité électorale tunisienne (ISIE) a publié le 2 septembre une liste dite « définitive » des trois candidats retenus pour la présidentielle, comprenant le président sortant Kaïs Saïed, Ayachi Zammel, ainsi que Zouhair Maghzaoui, 59 ans, ancien député de la gauche panarabiste ayant soutenu le coup de force présidentiel de l’été 2021. « Les bulletins de vote à l’effigie des trois candidats sont déjà imprimés », avait notamment argué une membre de l’ISIE parmi d’autres motifs du rejet par l’instance des recours de trois autres candidats pourtant acceptés par le Tribunal administratif.

Maître Abdessattar Messaoudi, l’un des avocats d’Ayachi Zammel, a annoncé mercredi que le collectif de défense allait recourir à « tous les moyens légaux », y compris la justice internationale, pour défendre la cause de leur client. « Il reste en lice », a-t-il ajouté.

L’Union européenne avait par ailleurs dénoncé en septembre dernier « les atteintes à la démocratie en Tunisie » suite à l’arrestation de Zammel et à l’exclusion des trois autres candidats, regrettant des décisions qui limitent l’éventail de choix pour les citoyens tunisiens. « Les derniers développements témoignent d’une limitation continue de l’espace démocratique » en Tunisie, a déploré un porte-parole du service diplomatique de l’UE.

Pour rappel, en vertu du code électoral, les Tunisiens souhaitant se présenter à la présidentielle doivent recueillir 10 parrainages de membres du Parlement, ou 40 parrainages de responsables de conseils locaux, régionaux ou municipaux, ou 10 000 parrainages de citoyens dans 10 circonscriptions électorales. Or, les candidats ayant opté pour ce dernier mode de parrainage deviennent de facto vulnérables le cas échéant à un harcèlement judiciaire, « les erreurs, les signatures non conformes et autres changements d’avis » étant monnaie courante, explique l’avocat Abdessattar Messaoudi.

En 2019, le candidat à la présidentielle, le businessman Nabil Karoui, aujourd’hui exilé en France, était sorti de prison deux jours avant la fin de la campagne électorale, ce qui lui avait permis d’être présent au débat télévisé du second tour contre Kais Saïed.