Présidentielle : le cannabis, enjeu de campagne

 Présidentielle : le cannabis, enjeu de campagne


Au troisième jour d’une campagne électorale acharnée en vue de la présidentielle anticipée, la surenchère aux promesses électorales fait rage. Parmi les engagements de certains candidats de premier plan, la question sociétale de la culture du cannabis et de sa dépénalisation occupe une place de choix, même si la législation a récemment été assouplie en ce sens.


Aujourd’hui mercredi 4 septembre, deux candidats qui se sont alternés au micro du talk-show politique le plus écouté du pays ont créé le buzz en promettant tour à tour des mesures audacieuses au très clivant sujet du statut du cannabis et de sa consommation, même si juridiquement parlant, la question ne relève pas directement a priori des prérogatives du président de la République, hormis celle des propositions de textes de lois adressés à l’Assemblée.


Ainsi Mohsen Marzouk, candidat de Machrou Tounes, a dégainé le premier en allant jusqu’à déclarer être « un partisan de la production du cannabis et son exportation », ce qui a pu surprendre les partisans de ce candidat de centre-droit, ancien Nidaa Tounes, mais aux appartenances estudiantines d’extrême gauche.


« Je suis pour la suppression pure et simple des peines de prison dans ce cadre », a même surenchéri le candidat que l’on dit à un stade avancé de négociations avec Youssef Chahed pour se désister en faveur de ce dernier en appelant ses partisans à voter pour le chef du gouvernement sortant, de l’aveu-même de celui-ci, même si techniquement cela n’aura de sens qu’au second tour, les bulletins de vote du premier tour étant définitifs.


Invité succédant à Marzouk dans la même émission, l’ancien ministre des Finances du gouvernement de la troïka, Elyes Fakhfekh est allé encore plus loin dans les engagements à caractère progressiste : « J'annulerai le test annal et la criminalisation du cannabis », a promis cet ancien ingénieur cadre au sein de Total dans les années 2000, aujourd’hui candidat Ettakatol.


 


Une législation encore très stricte


Le cannabis fut d’abord interdit en Tunisie en vertu d’un décret dès le 23 avril 1953. La célèbre « loi 52 » sur les stupéfiants, en vigueur quant à elle depuis 1992, punit de prison ferme la détention et la consommation de cannabis. Consommer ou posséder du cannabis est ainsi passible d'un à cinq ans de prison et de 1 000 à 3 000 dinars d'amende. En vendre, en transporter ou en cultiver est passible de six à 25 ans de prison et de 5 000 à 100 000 dinars d'amende.


La Tunisie utilise toujours l'analyse d'urine pour prouver les cas d'utilisation en l'absence de possession. Si celle-ci donne un résultat en dessous de vingt nanogrammes par litre, une personne peut être accusée de consommation par inhalation (ce qui peut incriminer les cas d’inhalation passive), passible de six mois de prison. Depuis 2014, une jurisprudence du refus d’un suspect de procéder au test d’urine existe cependant.


Le 26 avril 2017, le Parlement tunisien a voté la suppression de toute condamnation automatique à la prison ferme pour détention ou consommation de stupéfiants, à commencer par le cannabis.


 « Le juge pourra désormais fixer lui-même la peine nécessaire. La consommation devrait entrainer une simple amende. L’ancienne loi ne faisait qu’engorger les tribunaux, sans parler des drames personnels. Le caractère automatique de la peine nous rendait impuissants », avait alors estimé Hazem Ksouri, avocat et militant de la société civile.


Candidat aux prochaines législatives, le mouvement « Hezb el Warka » (parti de la feuille) et son fondateur le juriste Kais Ben Halima, veulent « faire de la politique autrement » en mettant la libéralisation et la culture agricole du cannabis au centre des préoccupation de ce « très sérieux » parti écologiste. 


Près d’un tiers des personnes qui croupissent dans les prisons tunisiennes surpeuplées effectuent des peines de prison pour la consommation d’un simple joint de cannabis. Or, selon les statistiques 2018 de l’ISIE sur la répartition des électeurs selon les tranches d’âge, les 18 – 35 ans sont la deuxième tranche d’âge la plus importante en nombre d’inscrits, d’où l’intérêt qu’ils suscitent auprès des candidats à la présidentielle.