Tunisie. Présidentielle : le candidat Saïed publie un manifeste de campagne controversé
Premier acte de sa campagne électorale, le manifeste du candidat à sa propre succession Kais Saïed, publié dimanche, ne fait pas l’unanimité auprès des Tunisiens, y compris parmi ses supporters. Loin d’afficher une volonté de rassembler ou d’apaiser le climat politique, la teneur résolument belliqueuse du texte annonce la couleur de son second mandat.
La tirade d’une dizaine de paragraphes aux accents de violente diatribe contre « l’hypocrisie » de la classe politique y occupe ainsi une grande place, même si Saïed y réaffirme son engagement à redorer le blason des services publics de la santé, de l’éducation, des transports et de la sécurité sociale, qui ont été « progressivement dégradés au fil des décennies dans le but de les affaiblir ». Or, cela s’apparente davantage à une revendication d’un opposant plutôt que d’un homme au pouvoir ces cinq dernières années, dont trois ans de pouvoir absolu, note l’opposition.
La part belle aux slogans
« Il est grand temps de bâtir une économie nationale prospère, de reconstruire les institutions et les établissements publics, et de mettre en place de nouvelles législations qui permettront à l’État de retrouver son rôle social », peut-on lire plus loin. Mais pour l’historien et activiste Adel Ltifi, les trois chantiers sociaux présidentiels majeurs se sont tous soldés par « des échecs retentissants » : « les entreprises citoyennes, la réconciliation pénale, la reconstruction par le bas », tout comme le rapatriement des biens mal acquis.
Reprenant le champ lexical de « l’assainissement », le président sortant poursuit : « Nous n’hésiterons pas à surmonter tous les obstacles pour assainir le pays, quels que soient leur ampleur ou leur origine ». Parmi les défis pour le moins ambitieux qu’il s’auto assigne, il cite celui de « garantir à chaque citoyen le droit à un emploi décent et équitable », d’assurer « la stabilité dans le monde du travail, et de respecter le droit légitime de chacun à une vie digne ». « Les demi-mesures ne seront pas tolérées », a-t-il inisisté, au moment où il demande au gouvernement actuel d’abolir notamment les contrats précaires des agents municipaux.
« Nous compterons avant tout sur nos propres ressources, car le pays regorge de richesses », a-t-il martelé dans ma même veine souverainiste qui a conduit il y a un an à abandonner tout recours au FMI, évoquant également « le pillage des ressources naturelles », le détournement de fonds publics, la corruption endémique, ainsi que l’infiltration de ce qu’il appelle des « réseaux criminels » dans les appareils de l’État « dans le but de les affaiblir ».
Mépris pour les voix dissonantes
D’après Saïed qui revient dans ce texte de campagne sur son coup de force du 25 juillet 2021, il était nécessaire de prendre une « décision historique » pour sauver le pays et répondre aux aspirations des Tunisiens, et que « tout retour en arrière » ne saurait être envisagé à l’avenir.
Evoquant enfin les manifestants qu’il a qualifiés de « voix vendues et serviles », Kaïs Saïed note qu’ils réclament la liberté et la démocratie alors qu’ils exercent chaque jour leur droit de manifester librement, sans aucune intervention policière, se prévaut-il.
Autre idée récurrente dans le discours présidentiel, Saïed s’étonne que « certains qui appelaient à appliquer la charia défilent aujourd’hui côte à côte avec les défenseurs de l’homosexualité ». Des propos qui scandalisent des internautes qui dénoncent aujourd’hui « une rhétorique dangereusement clivante, là où l’union de diverses tendances au sein de l’opposition serait plutôt à mettre à son crédit ».
« Nous devons soutenir le peuple palestinien sans condition afin qu’il recouvre son droit légitime à établir un État indépendant », a-t-il soutenu dans les quelques lignes consacrées à sa vision géopolitique.