Tunisie. Présidentielle / justice : nouvelle escalade répressive

 Tunisie. Présidentielle / justice : nouvelle escalade répressive

Nizar Chaâri

En 48 heures, l’actualité judiciaire de la course à la présidentielle s’est accélérée, avec de nouvelles poursuites engagées contre des équipes de candidats, des peines prononcées en appel contre des journalistes, ainsi qu’une grève de la faim d’une sérieuse candidate.

Bien que sa candidature soit généralement jugée fantaisiste, l’homme de médias et candidat à la présidentielle du 6 octobre 2024, Nizar Chaâri a publié une vidéo mardi soir 30 juillet annonçant, le ton grave, que le chargé de la collecte des parrainages pour sa candidature à la présidentielle, aidé par un officier militaire à la retraite, a été arrêté dans la région de Sahloul, gouvernorat de Sousse. Les quelques quinze mille parrainages de citoyens en sa possession (soit cinq mille de plus que le nombre requis) auraient été également saisis.

Chaâri, homme d’affaires fondateur du média Tunivisions, défenseur de la restauration de la polygamie, a aussi évoqué son dépit de ne pas avoir réussi à obtenir  de l’administration tunisienne son bulletin n°3  malgré le fait qu’il en a fait la demande depuis plus de deux mois :

« A mon énorme surprise, le directeur de ma campagne électorale, Lotfi Saïdi, lieutenant-colonel retraité de l’armée, m’a appelé cet après-midi pour m’informer de l’arrestation du responsable de la collecte des parrainages et de la saisie des formulaires de parrainage… Deux heures plus tard, l’épouse de Saïdi m’a contacté à son tour pour m’indiquer que son époux a été arrêté et conduit à la brigade économique d’El Gorjani, à Tunis. Je préfère vous l’annoncer dès à présent au cas je ne sois plus en mesure de m’exprimer moi-même une nouvelle fois à l’avenir », une allusion manifeste à la possibilité de sa propre arrestation.

Quelques heures plus tard Chaâri publiait une seconde vidéo dans laquelle il se défend d’avoir soudoyé ou acheté des parrainages auprès des Tunisiens.

 

Sous l’impulsion du président de la République candidat à sa propre succession, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) avait expliqué lors d’un récent point presse qu’elle ne transigerait pas en matière de corruption et de toute tentative d’usage de l’argent politique en marge de la précampagne électorale.

Nizar Chaâri a assuré que « la situation est devenue insupportable » et qu’on ne saurait terroriser les familles et des enfants en bas âge en vertu des méfaits supposés de leurs parents, des citoyens qui ont cru aux valeurs démocratiques prônées par le régime. Il a par conséquent tenu le président de la République pour « responsable de tout ce qui pourrait atteindre son équipe et sa personne ».

 

Moussi entame une grève de la faim

La veille, la présidente du parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, a annoncé via le porte-parole de son parti lundi 29 juillet avoir entamé une grève de la faim afin de revendiquer son droit à se présenter à la présidentielle du 6 octobre, un droit qu’elle estime bafoué du fond de sa cellule.

L’avocate proteste contre les obstacles qu’elle rencontre pour se porter candidate à l’élection, mais aussi contre le traitement qu’elle subit en prison depuis octobre 2023, alors que son état de santé se détériore, affirme son comité de défense.

 

Ella avait été auditionnée lundi par la chambre correctionnelle au tribunal de première instance de Tunis dans le cadre d’une plainte déposée contre elle par l’ISIE. Le 22 juillet courant, Abir Moussi avait pour rappel comparu en vertu du décret 54 relatif à la propagation de fausses nouvelles.

Par ailleurs de nombreux internautes se sont indignés de la condamnation à huit mois de prison, prononcée en appel, mardi 30 juillet 2024, contre le journaliste et chroniqueur Mourad Zeghidi, une peine en réalité allégée par rapport aux 12 mois de prison requis en première instance

Connu pour sa modération au sein de la profession, Mourad Zeghidi jouit d’une large campagne de soutien depuis son arrestation en mai 2024, notamment pour des statuts Facebook. Le Tribunal de première instance de Tunis avait prononcé le 22 mai son verdict dans l’affaire des journalistes Borhen Bssais et Mourad Zeghidi, les condamnant respectivement à un an de prison ferme. Ils avaient écopé de six mois pour atteinte à l’ordre public, et six autres mois pour attribution de faits non réels à un fonctionnaire public. La peine de Bssais a aussi été réduite à 8 mois en appel.