Premiers débats présidentiels télévisés : un bilan honorable

 Premiers débats présidentiels télévisés : un bilan honorable


Au terme de trois soirées de débats télévisés inédits dans l’histoire du pays et si rares encore dans le monde arabe, opposant les candidats à la présidentielle anticipée du 15 septembre, le satisfécit est général dans l’opinion publique tunisienne, malgré quelques erreurs de jeunesse.



 



Terrasse de café achalandée, centre-ville de Tunis, témoin de l'attrait des débats auprès des Tunisiens


 


« Je maudis Ben Ali qui nous a privés d’un tel spectacle pendant tant d’années ! ». Qu’elle soit faite sur le ton de l’amusement ou de l’admiration, cette réaction est parmi les plus récurrentes dans les réseaux sociaux en ébullition parallèlement à la diffusion des débats, commentant chaque faux pas ou joute verbale entre candidats.


Dans le quartier Lafayette, centre-ville de Tunis, et jusqu’à l’étranger dans des cafés parisiens, l’intérêt suscité par la foule de spectateurs ressemble à s’y méprendre à celui des grands rendez-vous footballistiques. « BeIN Sports ont-ils acheté les droits ?! », s’exclame ainsi ironiquement un internaute, surpris par tant de curiosité. Lentement mais sûrement, une conscience politique mainstream se forge.


C’est que cet exercice, qui constitue l’une des expressions les plus nobles qui soient de la politique en démocratie, fait mouche en termes d’« entertainment », d’autant plus que la soif des Tunisiens de voir les 26 candidats en pareille situation de confrontation directe, était bien réelle. Une situation qui, hier soir lundi, commandait une forme d’humilité au chef du gouvernement Youssef Chahed. Idem pour ses anciens homologues et ministres, réduits de facto au statut de candidats ordinaires.   


 


Un format favorable aux outsiders


Il n’aura pas échappé aux observateurs de la scène politique occidentale que le format retenu par le trio ISIE – HAICA, Télévision nationale et l’ONG Mounadhara consiste en une reproduction à l’identique des débats TV américains, plus tard adoptés par les pays européens, rassemblant un grand nombre d’aspirants aux fonctions suprêmes.


Pas tout à fait arbitraire, la configuration de deux animateurs journalistes politiques, posant individuellement des questions tirées au sort, est aussi dictée par l’encadrement légal stricte qui réglemente des prises de parole chronométrées à la seconde, et qui par conséquent laissent peu de place à l’interaction entre candidats.


Autre impératif qui a fait l’objet de nombreuses critiques de spectateurs parfois confus, le fait que les questions changent pour chaque candidat, de sorte de ne privilégier personne en termes d’anticipation, de redites, et de temps de réflexion.


Mais la minute et 30 secondes impartie à chaque prise de parole est surtout une aubaine pour les challengers et les candidats de l’opposition qui y ont une opportunité de se mesurer, dans les conditions du direct, aux candidats de l’establishment et autres ténors de la politique tunisienne.    


Cela a donné lieu à quelques passes d’armes mémorables, notamment lorsque Hamma Hammami, qui a martelé tout au long du débat « moi président » (un refrain que les agences de communication ont sans doute repris au candidat François Hollande), a affirmé sans sourciller « la corruption se trouve en réalité à ma gauche », allusion à la guerre contre la corruption lancée par son voisin de pupitre Youssef Chahed.


 


Quelques couacs


Autre moment d’anthologie télévisuelle, un huissier de justice qui supervisait le deuxième débat en régie, a fait irruption sur le plateau pour confisquer un livre au candidat Lotfi Mraihi, ainsi qu’un smartphone et une montre connectée au candidat Hatem Boulabiar. Ironie du sort, ce dernier est le même homme d’affaires qui avait vendu à l’Etat des systèmes de brouillage anti triche au bac, systèmes qui se sont avérés inefficaces par la suite.


Historiques, ces débats télévisés ont globalement été d’une grande tenue, et n’ont rien à envier aux standards internationaux en la matière. Seule ombre au tableau qui a valu au pays hier lundi une condamnation de la mission d’observation électorale de l’Union européenne : l’absence des deux candidats Nabil Karoui et Slim Riahi, respectivement en prison depuis 19 jours pour l’un et en fuite à l’étranger pour l’autre.


Un empêchement d’ordre logistique et légal pour les uns, d’ordre politique pour les autres, que la justice devra probablement trancher dans un avenir proche.  


 


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