Poursuivi par la justice militaire, l’élu Yassine Ayari pourrait ne pas pouvoir rentrer en Tunisie

 Poursuivi par la justice militaire, l’élu Yassine Ayari pourrait ne pas pouvoir rentrer en Tunisie

Yassine Ayari. Photo Seif Soudani / LCDA


Coup de théâtre en marge de la spectaculaire victoire du cyberactiviste Yassine Ayari aux élections législatives partielles de la circonscription Tunisiens d’Allemagne. Alors que le nouveau jeune député s’apprêtait à rentrer à Tunis pour prêter serment le 22 janvier prochain, ses avocats ont découvert que le Tribunal militaire lui aurait ''opportunément" intenté deux procès par contumace. 



"J'aurais préféré que l'objet de cette vidéo soit mon premier projet de loi en tant que député", affirme Ayari en guise d'entame de sa déclaration


 


Vendredi soir 5 janvier, un blog bien renseigné est le premier à spéculer en titrant « Nouveaux développements, 20 ans de prison pour Ayari ». Contacté par le Courrier de l’Atlas, le député qui se trouve encore à Paris confirme qu’après avoir vérifié pendant et après la campagne électorale qu’aucune poursuite ne le visait, le Tribunal militaire lui a finalement bien intenté un procès pour « offense au Président de la République et atteinte à la dignité de l’Armée nationale ». Vraisemblablement en cause, une vidéo où le blogueur s’en prenait à Béji Caïd Essebsi en décembre 2014, après que ce dernier ait « méprisé la mémoire des martyrs de la révolution ».


 


« Méthodes contre-productives pour le pouvoir »


Selon l’avocat d’Ayari Me Seifeddine Makhlouf, l’affaire a été portée contre son client immédiatement après l’annonce des résultats des élections législatives partielles d’Allemagne. Son client avait pour rappel récemment remporté d’une courte tête ces élections hautement symboliques, qui s’étaient déroulées du 15 au 17 décembre 2017, avec 265 voix.


Depuis Créteil, Yassine Ayari a aussitôt réagi dans la soirée aux accusations portées contre lui à travers une vidéo, diffusée sur sa page Facebook (vidéo ci-dessus).


A l’issue d’une première audience tenue le 2 janvier 2018, un magistrat militaire a décidé de reporter la séance au 6 mars prochain, a-t-il expliqué, tout en précisant que le parquet militaire a demandé d’avancer la date de la séance.


D’après des informations obtenues par Me Makhlouf, une deuxième affaire en cours d’instruction aurait été portée contre son client juste également après l’annonce des résultats des élections. Mais cette fois le tribunal refuserait de transmettre le moindre détail aux avocats.


« Le Tribunal militaire a refusé de fournir au comité de défense les dossiers des deux affaires, ce qui représente une violation manifeste aux règles les plus élémentaires d’un procès équitable », s’est-il indigné.


Dans un statut qu’il a publié sur sa page Facebook, Yassine Ayari précise qu’aucune convocation ne lui a été adressée par le Tribunal militaire à son domicile en Tunisie ou en France.


« Toute cette manœuvre a pour dessein de me juger par contumace et d’émettre un jugement de prison à effet immédiat sans pour autant pouvoir prendre ma défense et prendre mes nouvelles fonctions en tant que député au parlement », a-t-il ajouté dans son post, concluant par sa détermination à rentrer au pays.


Inéluctablement destinée à être politisée, l’affaire est dès le lendemain portée samedi sous la coupole du Bardo, où le député d’opposition Fayçal Tebini a pris à témoin des confrères, menaçant de faire barrage à l’aéroport Tunis – Carthage pour que « l’enfant du pays et de la révolution » rentre dans son pays « quel qu’en soit le prix ».


Tout comme de la victoire de la liste indépendante d’Ayari fut grandement symbolique du déclin de la popularité des partis au pouvoir, une éventuelle décision, qu’elle soit politique ou indépendante, d’empêcher la prise de fonction du nouvel élu aurait de graves conséquences tout aussi symboliques sur le fonctionnement démocratique des institutions du pays, au moment où la rue grogne pour d’autres raisons liées à la vie chère.


« Qu’il puisse prêter serment, qu’il soit jeté en prison, où contraint à l’exil, Yassine Ayari a quel que soit le scénario déjà gagné », ironise un internaute.


Seif Soudani


  


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