Tunisie. Pour le président Saïed, un complot serait derrière les coupures d’eau courante

 Tunisie. Pour le président Saïed, un complot serait derrière les coupures d’eau courante

Si le complotisme s’est mu en véritable logiciel de gouvernance au fil de l’actuel mandat présidentiel, de façon transversale quel que soit le sujet évoqué à Carthage, cela est particulièrement le cas pour le fléau chronique et persistant des coupures d’eau courante en Tunisie.

Le président de la République, Kais Saïed, a ainsi convoqué jeudi 18 juillet au Palais de Carthage le ministre de l’Intérieur Khaled Nouri ainsi que le secrétaire d’État chargé de la sûreté nationale, Sofiene Bessadok. A l’ordre du jour de la réunion, la situation générale dans le pays, indique un communiqué de la présidence, mais surtout « la nécessité de poursuivre ceux qui sont derrière les coupures d’eau et d’électricité dans plusieurs régions du pays afin d’attiser les tensions sociales », insiste le chef de l’Etat.

 

La main invisible, un alibi bien commode

Saïed poursuit : « il est inacceptable de prétendre que le réseau de distribution d’eau est vétuste. Pourquoi ce même réseau ne tombe-t-il pas en panne dans certaines banlieues » ? s’est-il interrogé sur le ton de l’ironie, allusions aux zones huppées du Grand Tunis, lui qui a nommé deux PDG de la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (Sonede) en moins d’un an, sans que cet acharnement en matière de limogeages ne change visiblement quoi que ce soit à la récurrence des coupures d’eau.

« La Tunisie a connu des années difficiles, mais ce qui se passe aujourd’hui dans certaines régions ne s’était jamais produit auparavant », a-t-il martelé à la faveur d’un syllogisme typique de ses raisonnements. C’est que dans les groupes des réseaux sociaux pro pouvoir, l’idée jamais prouvée selon laquelle l’administration serait noyautée par des agents infiltrés issus notamment de l’islam politique trouve un écho non négligeable, d’autant qu’un tel vaste complot dédouane l’actuel exécutif de toute incompétence.

Manifestement désireux ensuite d’opérer une confusion thématique en corrélant deux problématiques sans lien apparent, le président Saïed a également affirmé que ceux qui sont derrière les pannes d’eau et d’électricité sont aussi ceux qui empêchent certains individus de voyager à l’étranger, « en attribuant faussement et calomnieusement cela au président de la République ».

« La liberté de circulation, à l’intérieur du pays ou à l’étranger est garantie par la Constitution, sauf en cas de mesure restrictive ou d’interdiction de voyager émise par le ministère public », a-t-il tenu à rappeler. « Le système automatisé aux postes frontaliers fonctionne et s’arrête, tout comme les réseaux de distribution d’eau et d’électricité », a conclu le président décidément adepte des théories de la conspiration en guise de raccourci explicatif systématique, à moins de trois mois désormais de l’élection présidentielle.

 

>> Lire aussi : Point de vue – Tunisie. Complotisme et racisme face à la migration subsaharienne