Polémique autour de la privatisation des banques publiques

 Polémique autour de la privatisation des banques publiques

Laimia Zribi


C’est officiel : l'Etat tunisien va céder ses parts dans les trois banques publiques « à des partenaires stratégiques » courant 2017, notamment pour se plier aux exigences du FMI. Ethiquement, la mesure est problématique à plus d’un titre : il y a 1 an à peine, les mêmes banques étaient notamment recapitalisées au frais du contribuable…


La ministre des Finances Lamia Zribi l’a d’abord annoncé à Reuters : la cession des parts de l'Etat dans la STB, la Banque Nationale Agricole et la Banque de l’Habitat, estime la ministre, « ne peut être que bénéfique aussi bien pour ces banques que pour l'Etat ».


 


Privatiser les gains, nationaliser les pertes


Mais en 2015, pour convaincre l’opinion publique de la nécessité de débourser 800 millions de dinars (330 millions d’euros) afin de sauver ces mêmes banques via leur recapitalisation, l'un des arguments principaux du même pouvoir exécutif actuel était que « le pays a besoin de banques publiques performantes pour accompagner la stratégie de développement du pays »…


« Les plus grandes fortunes privées tunisiennes proviennent des résultats de privatisations d'entreprises publiques en difficulté qui ont souvent été bradées », rappelle aujourd’hui l’homme d’affaires Hatem Boulabiar, commentant la mesure gouvernementale. La SNCFT a dû recourir la semaine dernière à la banque marocaine Attijari Wafa Bank afin de financer l'acquisition de 10 locomotives d'une valeur de 170 millions de dinars, affirme en outre Boulabiar.


 


« Une décision idéologique »


Pour Adnène Mansar, secrétaire général du parti d’opposition Alirada, le gouvernement Chahed se contredit lorsque d’une part il veut pouvoir financer les grands programmes de développement, et que d’autre part il vend les banques qui financent ces projets. « Sans la BH, des dizaines de milliers de Tunisiens n’auraient jamais pu accéder à la propriété de leur résidence. Sans la BNA, beaucoup d’agriculteurs n’auraient jamais pu financer leurs projets », a par ailleurs rappelé l’ancien directeur de cabinet de Moncef Marzouki.  


Si le gouvernement Chahed, au demeurant à tendance libérale, se résout à vendre les bijoux de famille, c’est que le FMI a récemment conditionné le versement des deuxième et troisième tranches de son prêt à « une mise en œuvre réelle des réformes de la fonction publique ». Sept cents millions de dollars au total sont ainsi en attente, mais devraient être débloquées au mois de mars.


Mais les soupçons de marché truqué dans l’affaire du programme « Premier logement » n’ont pas arrangé l’image affairiste de l’équipe gouvernementale. Pendant ce temps, le chômage poursuit sa hausse, atteignant les 15,6 % de la population active selon l’INS (632.500 chômeurs au 4ème trimestre 2016). Quant au chômage des diplômés du supérieur, il a atteint 31,6% au même 4ème trimestre.


Un affrontement entre l'UGTT, forte de ses 500 000 membres dont une large majorité de fonctionnaires, et le gouvernement serait particulièrement coûteux pour la relance du pays. Optimiste, Youssef Chahed n’entend pas assumer la responsabilité du petit 1% de croissance réalisé en 2016, n’ayant été investi qu’en septembre de la même année, et table toujours sur 2,5% de croissance en 2017.   


Début février, l’agence de notation Fitch ratings, réputée plus indulgente que son homologue Standard and Poors, abaissait d’un point la note de la dette souveraine tunisienne, de «BB-» à «B+», suite au ralentissement de l’investissement et à la baisse des recettes du tourisme.


 


Seif Soudani