Polémique autour de la légalité d’un service de taxi scooter
Le ministère du Transport a indiqué le 28 novembre que toute activité de location d'un ou plusieurs véhicules destinés au transport public des personnes est « strictement soumise à un cahier des charges » ainsi qu’à une autorisation préalable émise par ses services. Une entrave délibérée à toute idée originale type « think out of the box » ? Explications.
Le communiqué du ministère concerné intervient suite au lancement jeudi par un jeune investisseur tunisien d’un service inédit baptisé « Intigo » (contraction de « inti » (toi / tu) et « go ») : une application permettant de louer des scooters avec chauffeur pour le transport des personnes.
Sur les réseaux sociaux, malgré quelques inquiétudes et une part de scepticisme, en 24 heures l’accueil fut plutôt globalement favorable, la plupart des internautes saluant une alternative à l’enfer quotidien des embouteillages à Tunis, en l’absence de service de type Uber, et surtout une potentielle solution face à l’indiscipline des taxis qui ont acquis au fil des années la réputation de n’en faire qu’à leur tête, refusant souvent d’accepter des clients si le trajet demandé « ne leur convient pas ».
Mais l’enjeu semble en l’occurrence dépasser les questions de lourdeurs administratives et bureaucratiques pour toucher à l’épineuse question, plus large, de l’opposition public / privé, à défaut d’un partenariat entre les deux secteurs. Ainsi le ministère de tutelle met en garde dans son communiqué sur le fait que « toute infraction ou non-respect des dispositions de la loi numéro 33 de l’année 2004, soumet les contrevenants aux sanctions prévues par ce texte de loi ».
Or, jeudi, lors de l’inauguration du service, « Intigo » se prévalait d’avoir pour premier client nul autre que le secrétaire d’Etat à la Jeunesse, Abdelkoddous Saâdaoui. Cafouillage ou manque de coordination entre les ministères du même gouvernement Chahed ?
Quoi qu’il en soit, parmi les détracteurs les plus virulents de l’entreprise en laquelle ils voient un « concurrent déloyal », plusieurs structures patronales ont d’ores et déjà réagi. Ainsi les opérateurs du secteur des taxis relevant de l’UTICA et de la CONECT se sont opposées au projet, considérant qu'il s'inscrit dans le cadre du « transport anarchique » des personnes.
La Chambre nationale des propriétaires de taxis individuels relevant de l'UTICA, compte par ailleurs organiser un sit-in dès lundi 2 décembre pour demander la mise hors la loi de la start-up.
Réponse de l’entrepreneur
Le fondateur d’Intigo, Bassem Bouguerra, a pour sa part répondu dans un post publié jeudi soir au communiqué du ministère du Transport : « Le ministère dit qu’il n’y a pas de vide juridique dans le texte régissant le transport terrestre et qu’il n’a pas vu l’utilité de publier un cahier de charge relatif à la location de motos. C’est faux, car la loi de 2004 parle bien du secteur des motos sans aucune interdiction ni limitation », avance-t-il, ajoutant que l’esprit du nouveau code de l’investissement encourage la liberté d’investir et non sa limitation.
« Aucun texte juridique ultérieur ne peut être publié car il deviendra rétroactif et contraire à la Constitution et au principe de non-rétroactivité des lois », souligne enfin Bouguerra, pour qui « le combat n'est plus entre Intigo et l'Union des Taxis. Le combat est désormais entre le "système" et les jeunes. Cette bataille va créer une jurisprudence », prédit l’homme d’affaires.