Peine de mort pour Mahmoudi : vers une tempête diplomatique et judiciaire

 Peine de mort pour Mahmoudi : vers une tempête diplomatique et judiciaire

Baghdadi Mahmoudi


Un tribunal libyen dépendant des milices de Fajr Libya a condamné le 28 juillet Seif Al-Islam Kadhafi ainsi que neuf autres dignitaires de l’ex régime libyen, dont l’ancien Premier ministre, Baghdadi Mahmoudi, à la peine de mort pat un peloton d’exécution. Un procès controversé, jugé inique par l’ensemble de la communauté internationale, et un verdict qui ravive dans la Tunisie voisine la polémique de l’extradition de Mahmoudi en 2012.




 


Arrêté en octobre 2011 par d’ex-rebelles de Zenten, dans l’ouest du pays, Saïf Al-Islam est toujours détenu par ce groupe. Les autorités de transition avaient tenté de négocier à plusieurs reprises son transfert vers Tripoli, en vain, d’où sa condamnation mardi par contumace (il avait un temps comparu par visioconférence).


Le tribunal siégeant à Tripoli, où règne une coalition de milices rebelles dominées par Fajri Libya, a également condamné à mort le dernier premier ministre de Mouamar Kadhafi, Baghdadi Mahmoudi, et son ex-chef des services de renseignements, Abdallah Senoussi.


En tout, trente-sept prévenus étaient jugés pour leur rôle dans les exactions et la répression meurtrière de la révolte ayant mis fin à l’ancien régime en 2011, accusés d’assassinats, de pillages et sabotages, d’« actes portant atteinte à l’union nationale, de complicité dans l’incitation au viol et de recrutement de mercenaires africains ».


Seif al Islam et Abdallah Snoussi sont par ailleurs soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale.


Le procès est critiqué par les défenseurs des droits de l’Homme en raison des restrictions d’accès de la défense, et marqué par un différend toujours en cours avec la CPI au sujet de sa compétence à juger les hauts dignitaires en question. En Tunisie, où s’était réfugié Baghdadi Mahmoudi fin 2011, pour être finalement extradé le 24 juin 2012, sous le gouvernement de Hamadi Jebali, l’annonce du verdict provoque une onde de choc politique.


Après un épisode d’extradition rocambolesque, à l’insu du président provisoire de l’époque, Moncef Marzouki en déplacement au sud du pays, le gouvernement de la troïka, dominé par Ennahdha, a été soupçonné de « deal » avec les rebelles libyens, et avait dû présenter ses excuses à la présidence, à l’aune de menaces de démission de Marzouki. Surtout, les autorités libyennes avaient alors promis que Mahmoudi « bénéficierait d’un procès équitable », ce que certains avaient interprété comme la promesse de lui épargner la peine capitale.      


 


La défense accuse l’Etat tunisien et la droite française


Mercredi 29 juillet, l’avocat de Baghdadi Mahmoudi, Mabrouk Korchid, a déclaré que « des poursuites seront engagées contre toutes les parties impliquées dans l’extradition de son client en Libye, en 2012 ».


L’avocat dit en outre soupçonner la récente visite de Nicolas Sarkozy à Tunis d’avoir entre autres eu pour « objet secret » de donner le feu vert à cette exécution, « par crainte que son client ne révèle les malversations dont a bénéficié la campagne électorale de Sarkozy ».


Maître Korchid indique enfin que la décision du tribunal libyen ne peut faire l’objet d’un appel, étant émise par une juridiction supérieure à un tribunal de première instance, et ne pourrait être annulée que par une cour de cassation.


Soupçonné d’avoir fait fortune dans l’industrie du pétrole libyen, le milliardaire et politicien tunisien Slim Riahi a en fin de journée de mercredi demandé au président de la République Béji Caïd Essebsi à présenter des excuses à la famille de Baghdadi Mahmoudi, tout en rendant l’ex troïka responsable d’une « grave faute politique ».     


Pour l’ancien Premier ministre tunisien Jebali, l’affaire pourrait être réexaminée par l’Instance Vérité et Dignité, puisqu’elle relève techniquement de son mandat. L’ancien ministre des droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle, Samir Dilou, affirme quant à lui que la décision d’extradition de Baghdadi Mahmoudi « a été prise avant le règne de la troïka », mais fut réactivée sous son mandat.


Un document provenant de la présidence de la République de Fouad Mebazaa, et daté de novembre 2011, tend à corroborer cette thèse, tout comme un leak audio provenant de la passation Essebsi – Jebali en 2012.    


 


Seif Soudani