Ouverture des JCC, une édition sous haute protection policière
Projection de 200 films, une sélection représentant 47 pays, dont 44 films en compétition officielle, 54 films arabes et 15 films projetés en avant-première. La 29ème édition des Journées cinématographiques de Carthage qui se déroule du 3 au 10 novembre 2018, promet d’être « exceptionnelle » selon son comité d’organisation, malgré un climat sécuritaire anxiogène.
L'actrice tunisienne Souhir Ben Amara a fait sensation lors de la montée des marches
Dimanche 4 novembre, la rue Ibn Khaldoun au cœur du centre-ville de Tunis, habituellement connue pour ses restaurants populaires, ne désemplit pas malgré une pluie abondante. Mais cette fois, ceux qui font la queue dans une file à perte de vue sont là pour « une nourriture spirituelle », nous confie un couple de cinéphiles attendant patiemment sous un parapluie le coup d’envoi d’une projection.
A quelques jours d’un attentat suicide Avenue Bourguiba qui a bien failli en compromettre la tenue à la date prévue, l’ouverture des JCC s’est finalement déroulée sous haute surveillance sécuritaire, samedi soir, à la Salle de l’Opéra à la fraîchement inaugurée et gigantesque Cité de la Culture.
La politique s’invite sur le tapis rouge
Parmi la liste des invités de marque de ce qui devient de facto un évènement à dimension politique, le chef du gouvernement Youssef Chahed pour qui « terrorisme et obscurantisme se combattent aussi par la promotion de la Culture », Mohamed Ennaceur, président de l’Assemblée des représentants du peuple, le ministre des affaires culturelles Mohammed Zine El Abidine, ministre a priori maintenu au prochain et imminent remaniement ministériel, ainsi que plusieurs ministres, députés, et chefs de missions diplomatiques accrédités en Tunisie et des ministres de la Culture des pays invités de cette édition : le Sénégal et l’Irak.
Se prévalant d’être la plus ancienne manifestation de ce genre encore active en Afrique et dans le monde arabe, les JCC sont devenus un festival annuel en 2015, après avoir eu lieu une fois tous les deux ans depuis 1966. Mais en 2017, des voix s’étaient prononcé pour revenir au rythme biennal ou encore en alternance à Tunis et dans les régions intérieures du pays, sans succès.
Cette année, alors qu’elle fut la « star omniprésente » incontournable des récentes éditions, la foule habituellement présente en masse animant les rues de l’avenue Habib Bourguiba a manqué le rendez-vous d’une montée des marches des vedettes finalement bien fade, le dispositif de sécurité ne laissant franchir les barrières que les accrédités.
« Aucune annulation »
Lors de son allocution d’ouverture, le directeur général des JCC 2018 le producteur Nejib Ayed (64 ans) a salué le soutien symbolique des différents invités étrangers à la Tunisie « qui n’ont pas hésité à être au rendez-vous malgré l’attentat-suicide perpétré quelques jours avant le démarrage de cette manifestation qui célèbre cette année son 52ème anniversaire ».
« Le comité d’organisation n’a enregistré aucune annulation des 500 invités étrangers », s’est-il félicité.
Ayed a ensuite mis l’accent sur la vocation africaine et arabe des JCC. Il a à cet égard tenu à rappeler l’engagement renouvelé cette année aussi aux fondamentaux des JCC en tant que festival arabo-africain qui s’attelle à réaliser « l’équilibre entre ses deux dimensions : un festival sud-sud enraciné dans les trois continents, l’Afrique, l’Asie et l’Amérique Latine, mais aussi un festival militant œuvrant à consacrer les valeurs du dialogue et de la tolérance ».
Répondant aux critiques, il a martelé que les JCC disposent d’ores et déjà d’une identité et ne cherchent nullement à s’identifier à d’autres manifestations dans le monde.
Une fois faite la présentation des films en compétition officielle dans les différentes sections ainsi que les jurys des Tanit, le public a assisté à la projection du film d’ouverture « Apartide » de Narjiss Nejjar, réalisatrice marocaine qui traite dans son œuvre de l’expulsion de 45.000 marocains d’Algérie en décembre 1975.
Le film raconte l’histoire de Hénia, une jeune femme hantée par une enfance déchirée et cet exil forcé qui avait séparé beaucoup de familles marocaines et algériennes mixtes. La réalisatrice y met en scène via un style mélancolique l’obsession de l’héroïne de retourner en Algérie pour retrouver sa mère, après avoir été poussée à l’exil avec son père à l’âge de 12 ans.