Tunisie. L’ONU préoccupée par l’emprisonnement de nombreux opposants

 Tunisie. L’ONU préoccupée par l’emprisonnement de nombreux opposants

Volker Türk, Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme

Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme s’est dit « préoccupé » mardi 15 octobre 2024 par les arrestations et les condamnations d’adversaires politiques du pouvoir en Tunisie. Rappelant que plusieurs candidats à la récente élection présidentielle ont été « arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison », le Haut-Commissaire Volker Türk estime que « ces affaires sont fort inquiétantes ». Il appelle à des réformes ainsi qu’à la libération de toutes les personnes « détenues arbitrairement ».

La publication du communiqué du HCDH intervient au moment où Ayachi Zammel, l’un des deux seuls adversaires du président Saïed à la présidentielle du 6 octobre dernier, incarcéré depuis le 4 septembre 2024 et déjà condamné à trois peines cumulées de 20 mois, 6 mois et 12 ans de prison ferme cumulées, a écopé le 11 octobre d’une nouvelle peine de 5 ans et 8 mois de prison dans quatre affaires distinctes de falsification de parrainages, en attendant l’issue d’autres procès en cours.

Si seule la condamnation à 20 mois est à ce jour confirmée en appel, l’ancien candidat approche dangereusement du seuil des 20 années de réclusion criminelle, le tout pour des présumées falsification de parrainages où sa bonne foi ne serait pas en cause selon ses avocats, même si la loi électorale punit sévèrement les bénéficiaires indirects des signatures, y compris lorsque ces dernières sont collectées par des émissaires.

 

« Protéger les processus démocratiques du pays »

 

Dans les semaines précédant la récente élection présidentielle, plus d’une centaine de candidats potentiels, de membres de leurs équipes de campagne et d’autres personnalités politiques ont été arrêtés pour divers motifs, allant de la falsification de documents électoraux à des accusations liées à la sécurité nationale, souligne le Haut-Commissariat.

Sur les 17 candidats potentiels, l’Instance supérieure indépendante pour les élections n’en a ainsi accepté que trois. Plusieurs candidats ont été « arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison. Leurs procès témoignent d’un manque de respect pour les garanties d’une procédure régulière et d’un procès équitable », a fustigé le Haut-Commissaire Volker Türk.

Réponse immédiate, on ne peut plus claire, du chef de l’Etat qui convoquait son ministre des Affaires étrangères en anticipant le rapport : « la Tunisie est un pays souverain qui n’accepte aucune ingérence dans ses affaires intérieures ».

L’Instance supérieure indépendante pour les élections avait refusé le 2 septembre d’appliquer une décision du Tribunal administratif ordonnant la réadmission de trois candidats exclus. Lors d’une session extraordinaire tenue quelques jours avant les élections, le Parlement a adopté une loi soustrayant les litiges électoraux à la compétence du Tribunal administratif, insiste le Haut-Commissariat. Or, « le rejet d’une décision de justice juridiquement contraignante est en contradiction avec le respect fondamental de l’État de droit », a renchéri Türk.

L’élection a ensuite aisément été remportée par le président sortant Kais Saïed avec un score de 90,7%, dans un contexte d’abstention record. Élu démocratiquement en 2019, il avait été applaudi par des foules en liesse quand il s’était octroyé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021 pour, assurait-il, répondre aux blocages politiques et économiques.

Le pays connaît toutefois « des pressions de plus en plus fortes sur la société civile » selon le Haut-Commissariat et « au cours de l’année écoulée de nombreux journalistes, défenseurs des droits humains et opposants politiques ont été pris pour cibles, de même que des juges et des avocats ».

Via Volker Türk, l’ONU regrette enfin que « malheureusement, plusieurs des acquis démocratiques ont été perdus ». Il exhorte par conséquent la Tunisie à engager des réformes indispensables […] notamment en ce qui concerne les libertés d’expression, de réunion et d’association.