Tunisie. Nouvelle vague d’interpellations d’opposants

 Tunisie. Nouvelle vague d’interpellations d’opposants

Issam Chebbi

Loin de se tasser, la vague d’interpellations entamée par le pouvoir tunisien à la mi-février vient de s’intensifier au cours des dernières 24 heures où plusieurs figures high profile de l’opposition ont été arrêtées, souvent de façon spectaculaire, sur la voie publique, en vertu de la loi antiterroriste.    

C’est en effet avec stupéfaction que la famille du secrétaire général du parti Al Jomhouri, Issam Chebbi, a annoncé son arrestation hier mercredi, par une quinzaine d’hommes appartenant à la brigade antiterroriste qui l’ont encerclé alors qu’il se trouvait à l’intérieur de son véhicule. Interrogés par son épouse, ils ont expliqué qu’ils agissaient sur instruction du ministère public du Pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme, avant de perquisitionner le domicile de Chebbi. L’arrestation serait en lien avec l’enquête sur les soupçons de « complot contre la sûreté de l’Etat ».

L’activiste politique et membre du Front du salut national, Chaima Aïssa, a subi le même sort le soir du 22 février : la sœur de cette dernière, également interpelée, a été témoin de la perquisition du domicile de la militante.

Aujourd’hui jeudi, c’était au tour de Ezzedine Hazgui, octogénaire lui aussi membre fondateur du Front du salut national d’être arrêté, annonce sa fille l’avocate Dalila Msaddek qui dit ne pas connaître encore le lieu de sa détention.

Ancien ministre du Développement et de la Coopération internationale, Riadh bettaieb a lui aussi été arrêté dans la matinée du jeudi 23 février 2023 à l’aéroport Tunis-Carthage, alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol vers l’étranger. Selon certaines sources, Bettaieb serait le représentant d’intérêts économiques turcs en Tunisie.

 

Le secrétaire général du SNJT dans le collimateur de la justice

Au même moment, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) a condamné l’instruction judiciaire ouverte à l’encontre de Mohamed Yassine Jelassi, président du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), pour « incitation à la désobéissance et voies de fait sur agent public ». Jelassi est cette fois poursuivi pour avoir assuré la couverture médiatique d’une manifestation remontant au 18 juillet 2022 à Tunis, contre le référendum sur la nouvelle Constitution tunisienne.

la FIJ considère ce ciblage comme une attaque injustifiée contre l’un de ses syndicats membres et appelle les autorités tunisiennes à respecter leurs engagements internationaux et à « cesser d’utiliser des dispositifs judiciaires et sécuritaires pour résoudre des problèmes qui ne peuvent être résolus que par le dialogue et la négociation ».

La FIJ a, dans ce contexte, affirmé qu’elle étudie une action contre le gouvernement tunisien devant l’Organisation internationale du travail (OIT) à Genève, agence dépendant des Nations Unies, pour violation du droit de manifestation, appelant toutes les organisations internationales de médias et de droits de l’Homme à condamner cette attaque injustifiée contre le SNJT et à activer « toutes les formes de soutien et de solidarité » envers son confrère.

Pour de nombreux observateurs de la scène tunisienne, aucun autre chef d’Etat, y compris l’ancien dictateur Ben Ali, n’avait eu la témérité de procéder à une telle campagne de poursuites simultanées et d’incarcération d’opposants de divers bords politiques.