Tunisie. Nouvelle dégradation de la note souveraine pressentie par Moody’s
Généralement le prélude à une dégradation imminente de la note souveraine, l’agence de notation financière américaine Moody’s annonce avoir placé la note « Caa1 » de la Tunisie « sous surveillance, en vue d’une dégradation ». Une mauvaise nouvelle de plus pour les données macroéconomiques du pays, au moment où le cours du dollar US atteint un plus haut niveau historique face au dinar tunisien.
Moody’s indique par ailleurs avoir placé la note de la Banque centrale tunisienne (BCT) également « sous surveillance en vue d’une dégradation ». « La BCT est juridiquement responsable des paiements sur toutes les obligations de l’Etat tunisien. Ces titres de créance sont en effet émis au nom du gouvernement. Avant cette évaluation, la notation de la Banque centrale de Tunisie était de Caa1 avec perspectives négatives », rappelle l’agence, dans son dernier rapport sur la Tunisie.
La décision de soumettre ces notes à un examen en vue d’une révision à la baisse « reflète l’évaluation de Moody’s selon laquelle, en l’absence d’un accord opportun sur un nouveau programme du Fonds monétaire international (FMI), les risques de tarissement de liquidité de plus en plus élevés de la Tunisie et sa position extérieure fragile, augmentent le risque de défaut ».
Cette remarque en particulier vient contredire l’optimisme récemment affiché par le gouvernement Nejla Bouden s’agissant de l’obtention du déblocage d’un nouvel emprunt du FMI en ce mois d’octobre 2022.
La même agence revient ensuite sur « les importants déséquilibres budgétaires et extérieurs de la Tunisie » tout comme « les risques de refinancement élevés représentent d’importantes faiblesses du crédit qui, parallèlement aux tensions sociales, ont été exacerbées par les implications mondiales du conflit militaire russo-ukrainien ».
Moody’s conclut qu’elle envisage de focaliser à cet effet la période de surveillance sur l’évaluation des progrès accomplis par les autorités pour obtenir l’approbation par le Conseil d’administration d’un nouveau programme du FMI qu’elle juge « essentiel pour atténuer les risques de financement et de vulnérabilité externe, et par conséquent les risques sociaux – avant la fin de l’année ».
Toujours selon l’institution de notation, ce nouveau programme pourrait augmenter la probabilité de maintenir des sources de financement public suffisantes dans les années à venir, de sorte d’éviter une crise de la balance des paiements et du budget de l’Etat.
Les plafonds demeurent inchangés
Les plafonds de la Tunisie restent quant à eux toutefois inchangés, à B1 pour le plafond en monnaie locale et B3 pour le plafond des réserves en devises. L’agence évoque néanmoins dans son rapport une « trop grande empreinte du secteur public, des déséquilibres externes et un environnement politique et social difficile qui entravent l’environnement des affaires face à des institutions relativement affaiblies ». Un constat provenant notamment de l’écart de trois crans entre le plafond de la monnaie locale et celui de la notation souveraine.
Evoqués enfin par Moody’s, des déséquilibres extérieurs persistants et la dépendance à l’égard des entrées de devises étrangères, ce qui augmente l’exposition des entreprises aux risques potentiels de « transfert et de convertibilité ».
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Pour rappel, il y a 1 an, le 14 octobre 2021, la note souveraine de la Tunisie avait été abaissée par l’agence de notation américaine de B3 à Caa1, alors que la perspective négative avait été maintenue. Mais le 19 septembre 2022, Moody’s avait favorablement réagi à l’accord conclu le 15 septembre entre le gouvernement et l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), concernant une augmentation salariale de 3,5% dans le secteur public et la fonction publique (même si le taux d’inflation reste plus de 2 fois supérieur à ces 3,5% d’augmentation des salaires). Elle avait estimé que cet accord constituait une importante étape vers un programme du FMI.
Rappelons que la note « Caa1 » est une note dans la catégorie dite spéculative du classement de Moody’s pour les obligations d’entreprise à long terme, selon le dictionnaire de l’indice Nasdaq. « Les obligations notées Caa1 sont jugées de mauvaise qualité et sont soumises à un risque de crédit très élevé. La note supérieure d’un cran est B3. La note inférieure d’un cran est Caa2 ».
Outre un déficit préoccupant de la balance commerciale alimentaire, le cours de change a atteint fin septembre 2022 un nouveau record pour le dollar américain face au dinar tunisien : un dollar s’échangeait ainsi contre 3,33 dinars, dépassant pour la première fois la valeur de l’euro face au dinar tunisien.