Najem Gharsalli est-il un homme protégé en haut lieu ?
L’impuissance des autorités à faire exécuter son arrestation serait l’une des raisons du récent limogeage de l’ancien ministre de l’Intérieur Lotfi Brahem. Techniquement en état de fuite, le sort de Najem Gharsalli, lui-même ex ministre de l’Intérieur et ancien ambassadeur de Tunisie au Maroc, reste énigmatique.
Sur les réseaux sociaux, les boutades fusent depuis peu à son sujet, tant l’affaire constitue une humiliation pour l’exécutif : certains l’appellent « Pablo » ou encore « Ghassalinõ », allusion satirique aux chefs des cartels du grand banditisme.
Aujourd’hui certains avancent tout haut une hypothèse qui faisait l’objet de diverses spéculations, et pas des moindres, puisqu’il s’agit en l’occurrence de Riadh Chaïbi, président du parti Al Binaa, et ancien cadre et membre du Conseil de la Choura d’Ennahdha.
Chaïbi jette un pavé dans la marre
Hier mercredi 20 juin, l’homme politique de centre droit accordait en effet un long entretien au journal Al Qods Al Arabi, dans lequel il affirme que l’ancien ministre de l’Intérieur Gharsalli se trouverait sous la protection du président de la République, Béji Caïd Essebsi.
Chaïbi ajoute, selon la même source, que Najem Gharsalli possède un certain nombre de dossiers compromettants au sujet de Nidaa Tounes, parti au pouvoir. « Ghasalli était un exécutant obéissant qui rendait volontiers toutes sortes de services au parti. S’il venait à être arrêté, il en révèlerait sans doute le contenu à l’opinion publique », ajoute-t-il.
Il précise enfin que l’ancien ministre aurait été rassuré, lors de son limogeage suite à une réunion avec le président de la République. Même si Riadh Chaïbi tempère aujourd’hui ses propos dont il dit qu’ils « se basent davantage sur la logique que sur des informations vérifiées à proprement parler », la thèse qu’il avance n’en demeure pas moins plausible. D’autant que les lieux de résidence de Najem Gharsalli, ancien magistrat et personnalité publique, sont connus de la justice militaire qui le considère officiellement comme étant en fuite.
Rappelons que Gharsalli fait face à des chefs d’accusation ayant trait à la haute trahison et le complot contre la sûreté de l’Etat impliquant une puissance étrangère, et qu’il fut entendu à ce titre par un juge d’instruction dans l’affaire Chafiq Jarraya, homme d’affaires toujours derrière les barreaux.
En sus de la bienveillance manifeste des syndicats de magistrats à son égard, Najem Gharsalli se trouve vraisemblablement au cœur d’une lutte entre deux conceptions du pouvoir : la première, celle incarnée par le chef du gouvernement Youssef Chahed, se veut résolument moderne, volontariste dans sa lutte contre la corruption qui n’exempterait personne, l’autre, plus traditionnelle, celle de Béji Caïd Essebsi, tend à vouloir éviter la prison ferme à tout représentant du pouvoir, fut-il fautif, au nom du prestige de l’Etat.
Seif Soudani
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