Tunisie. Murphy : « Le président Saïed a fait le contraire de ce qu’il avait promis »
Chris Murphy, sénateur américain démocrate du Connecticut, est revenu lundi en des termes fermes et menaçants sur la rencontre du président de la République Kais Saied le 4 septembre dernier avec une délégation américaine. Pour Murphy, le président tunisien « n’a pas tenu sa parole ».
Le sénateur répondait à une tribune publiée une semaine auparavant signée par l’activiste féministe Haddiyyah Ali, sur le site CT Mirror qui officie dans le Connecticut, Etat dont il est le représentant au Sénat américain.
« En tant que votre sénateur américain, j’ai le privilège de représenter notre État à Washington DC et à l’étranger en vertu de mon rôle au sein de la commission des relations étrangères du Sénat américain. En tant que membre du Comité, j’ai récemment dirigé une délégation du Congrès en Tunisie où j’ai eu l’occasion de m’entretenir directement avec le président de la Tunisie, le président Kais Saied. Je voudrais faire part de ce qui s’est passé pendant ce déplacement et remercier Haddiyyah pour son inquiétude« , affirme-t-il.
La situation tunisienne prise très au sérieux
« Je suis profondément préoccupé par ces développements, j’étais donc impatient de profiter de l’opportunité de représenter les États-Unis et de me rendre en Tunisie ce mois-ci pour rencontrer le président Saied et souligner l’importance de dénouer cette crise, poursuit-il. Une menace pour la démocratie n’importe où est une menace pour la démocratie partout dans le monde. Par conséquent, il est important que les États-Unis restent engagés lorsque ce précieux système de gouvernement est miné« , a prévenu Murphy.
« Lors de notre rencontre, j’ai exhorté le président Saied à mettre rapidement fin à l’état d’urgence et je l’ai pressé de présenter son plan pour ramener le pays à une démocratie représentative. Je lui ai dit que l’inquiétude grandissait pour la Tunisie dans le Connecticut et à travers les États-Unis, et que des détails sur la façon dont il rétablirait la démocratie aideraient à apaiser ces inquiétudes des partenaires de la Tunisie tels que les États-Unis.
J’ai clairement indiqué que l’intérêt des États-Unis est de protéger et de faire progresser une démocratie et une économie saines pour le peuple tunisien. Nous ne favorisons aucun parti par rapport à un autre et n’avons aucun intérêt à promouvoir un programme de réforme spécifique. C’est aux Tunisiens de trancher ces questions. Mais la poursuite des relations étroites des États-Unis avec la Tunisie est liée à l’engagement soutenu de la Tunisie en faveur de la démocratie.
Le président Saied avait aussitôt rétorqué que son intention n’était pas de renverser le gouvernement démocratique et il avait déclaré sans équivoque que son plan était de nommer un nouveau Premier ministre et d’entamer le processus de modification de la Constitution de sorte de mettre en place un système gouvernemental plus efficace et plus réactif. Cependant, il n’avait fourni aucun calendrier ni aucun détail important. Cette semaine, le président Saied a surtout fait le contraire de ce qu’il avait promis à notre délégation, en exprimant son intention de gouverner par décret et de suspendre certaines parties de la constitution« , a-t-il déploré.
« Ces mesures contredisent clairement l’engagement du président Saied envers le peuple tunisien à protéger et à soutenir ses droits démocratiques, et ne sont pas le moyen de résoudre les problèmes très réels auxquels la Tunisie est confrontée. Nous devons continuer à soutenir le peuple tunisien avec des aides, mais jusqu’à ce que la démocratie soit rétablie, nous devons reconsidérer notre programme d’assistance sécuritaire à la Tunisie », a conclu le sénateur.
Carthage et le registre de la défiance
Aujourd’hui mardi, quatre importants partis de centre-gauche et de centre-droit (Attayar, Ettakatol, Afek, et al-Jomhouri) ont mis en garde lors d’une conférence commune contre la dérive autocratique de la présidence de la République qui conduit selon eux à grands pas le pays vers l’insolvabilité et lui aliène ses principaux bailleurs de fonds internationaux.
Le 20 septembre à Sidi Bouzid, le président Saïed s’était adressé à la communauté internationale en des termes de défiance : « Que le monde entier entende ceci, le peuple est souverain, il est le seul à décider de son sort !« . Le 10 septembre, la présidence tunisienne avait publié un communiqué dans lequel elle précisait a posteriori la teneur de ses rencontres avec les délégations étrangères, affirmant que « la Tunisie n’accpetera pas d’être logée à l’enseigne d’un élève qui écouterait sa leçon puis attendrait sagement de recevoir son bulletin de notes« .
Le 24 septembre, trois membres du congrès américain (Gerald Edward Connolly, Tom Malinowski et l’influente Rashida Tlaib) ont appelé le président des Etats-Unis Joe Biden à intervenir en prenant des mesures significatives pour dissuader le président Saïed de s’obstiner sur la voie de la sape des acquis démocratiques du pays.