Tunisie. Mobilisation des jeunes dans les zones de conflit : Ennahdha sur la sellette

 Tunisie. Mobilisation des jeunes dans les zones de conflit : Ennahdha sur la sellette

L’Unité nationale de recherche dans les crimes terroristes a interrogé, dans la nuit de mardi à mercredi, l’ancien président du Parlement Rached Ghannouchi, numéro 1 du parti Ennahdha, au sujet d’accusations de terrorisme. Il est convoqué avec 13 autres suspects, dont l’ex-Premier ministre Ali Laarayedh, pour une affaire en lien avec l’envoi de jihadistes dans les zones de conflit notamment en Syrie.  

 

« Suite à près de 12 heures d’attente, M. Ghannouchi n’a pas été entendu par cette unité qui a décidé de reporter l’interrogatoire », avait indiqué dans un premier temps leur avocat Samir Dilou qui dénonce un traitement particulièrement humiliant pour des personnes âgées, octogénaire dans le cas de Ghannouchi.

Quant à Ali Laarayedh, l’un des dirigeants d’Ennahdha, également ancien ministre de l’Intérieur, qui a été interrogé durant plusieurs heures, il a été maintenu par l’Unité de recherche dans les crimes terroristes. Dans un communiqué le parti à référentiel islamiste Ennahdha a dénoncé « un acharnement, une instrumentalisation montée de toutes pièces, et des conditions d’un interrogatoire qui représentent une violation flagrante contre les droits humains ». Pour une partie de l’opposition, le timing de la réouverture de ce dossier est une diversion essentiellement motivée par les difficultés économiques du nouveau pouvoir tunisien, ainsi que l’approche des élections de décembre, qui requièrent que des têtes tombent.

 

Un dossier vieux de plus d’une décennie

Consécutivement à la chute de l’ancien dictateur Ben Ali en 2011, des milliers de Tunisiens avaient rejoint les rangs d’organisations jihadistes, notamment le groupe Etat islamique en Syrie, en Irak et en Libye. Ennahdha, pilier des gouvernements qui se sont succédé au pouvoir depuis jusqu’en 2019, est soupçonné par ses détracteurs, une partie de la classe politique, mais aussi l’Etat profond, d’avoir laissé faire, voire facilité le départ de ces jihadistes vers les zones de conflit. Chose que le mouvement dément formellement.

L’affaire dite d’« al tasfir » (« expédition de jihadistes »), récurrente dans le débat politique pendant des années, a refait surface ces dernières semaines en Tunisie où le président conservateur Kais Saïed, dont Ennahdha est la nouvelle bête noire, a considérablement renforcé sa mainmise sur la Justice après s’être arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021. Certains observateurs avancent cependant que le déterrement de l’affaire est davantage une initiative des appareils sécuritaires dans leur versant le plus revanchard, désireux d’en finir avec le legs symbolique de la révolution de 2011.

Ghannouchi avait déjà été interrogé en juillet dans le cadre d’une enquête pour des soupçons de corruption et blanchiment d’argent liés à des transferts depuis l’étranger vers une organisation caritative affiliée à Ennahdha. Mais pour l’opposition non islamiste, chaque acquittement, même provisoire, est une occasion pour les dirigeants du parti d’apparaître comme victimes d’un harcèlement judiciaire, ce qui est contre-productif pour les instigateurs de la réactivation de ces dossiers. Mercredi, le chef d’Ennahdha a nargué ses adversaires en s’offrant un bain de foule, brandissant un V de la victoire et saluant ses partisans depuis l’ouverture du toit ouvrant de son véhicule.