Tunisie. Migration : les départs vers l’Europe explosent

En cette saison printanière où les conditions météorologiques s’améliorent au point d’être optimales, les expéditions de fortune se multiplient comme jamais, et avec elles leur lot de victimes et d’interceptions. Des statistiques qui affolent les compteurs ainsi que les autorités italiennes obsédées par la question de la migration en provenance de Tunisie.

Ainsi sur les 48 dernières heures, pas moins de 51 embarcations de migrants ont été interceptées au large des côtes tunisiennes, avec un total record de 1242 migrants secourus dont 1207 subsahariens et 19 tunisiens. 58 corps ont été par ailleurs repêchés. En augmentation d’heure en heure, ce sinistre décompte a été établi par les autorités tunisiennes le 25 avril 2023, via le porte-parole de la direction générale de la Garde nationale (DGGN), Houssem Eddine Jebabli.

« Durant la seule journée du 23 avril, au large de Sfax, de Kerkennah au sud et de Mahdia à l’est, 39 opérations de migration irrégulière ont été déjouées, 30 corps ont été repêchés et 773 migrants ont été secourus. Tandis que les unités de la garde nationale sont parvenues à déjouer 12 opérations de migration clandestine, et le repêchage de 28 corps. La plupart de ceux qui ont été secourus ou dont les corps ont été retrouvés sont originaires d’Afrique subsaharienne, par conséquent, 51 migrations irrégulières vers les côtes italiennes ont été déjouées », apprend-on de même source.

Une quarantaine de cadavres ont en outre été retrouvés sur les plages libyennes et tunisiennes depuis lundi. « Pour le deuxième jour consécutif, des corps de migrants ont été retrouvés au large de la Libye », a indiqué lundi 24 avril le Croissant rouge libyen. Onze cadavres ont été récupérés près de Sabratha, dans l’ouest du pays, et remis aux autorités de la ville. Cette macabre découverte porte le bilan total des corps retrouvés à 34 en Libye, précise l’ONG. Des images publiées sur sa page montrent des bénévoles du Croissant-Rouge transportant des corps dans des sacs noirs.

En Tunisie, la députée Fatma Mseddi (circonscription de Sfax) a fait polémique en publiant sur les réseaux sociaux des images filmées le 24 avril au large de la plage de Sidi Mansour, montrant des corps repêchés par des garde-côtes.

Intense lobbying italien au sein de l’UE

Selon les données du ministère italien de l’Intérieur, plus de 36 600 migrants sont arrivés en Italie depuis le début de l’année, soit quatre fois plus que le nombre de migrants recensés à la même période de l’année précédente, autre record. Toujours le 24 avril, les autorités italiennes ont annoncé que plus de 1 200 migrants ont débarqué sur la petite île italienne de Lampedusa, située à 80 kilomètres des côtes tunisiennes, tandis que plusieurs autres sont portés disparus en mer. Les garde-côtes italiens ont indiqué, dans un communiqué, qu’ils avaient répondu à 35 cas d’embarcations ayant appareillé de Tunisie.

Des unités aériennes et navales des garde-côtes, de la police des frontières, de l’agence européenne de protection des frontières Frontex, ainsi que d’une organisation humanitaire, participaient aux opérations de secours, indique le communiqué, ajoutant qu’une vingtaine d’autres embarcations chargées de migrants se trouvaient toujours en mer dans la nuit de lundi à mardi. L’organisation humanitaire Médecins sans frontières a, pour sa part, indiqué que son navire de sauvetage, Geo Barents, était venu en aide à 75 migrants, dont 40 mineurs, qui se trouvaient à bord d’une embarcation en bois en train de sombrer dans les eaux internationales, au large de la Libye.

Face à ce vent de panique, une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne s’est tenue lundi afin d’approuver la mise à jour du plan qui sera adopté par l’Union pour faire face au phénomène de la migration irrégulière. Sous l’impulsion de l’Italie de Giorgia Meloni mais aussi de la France, l’UE envisage en effet d’acheminer une aide financière à la Tunisie afin d’éviter un effondrement économique et l’augmentation des flux de migrants qui en résulterait, qui ont atteint un nombre record cette année.

Le vice-Premier ministre et ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a déclaré que la migration irrégulière a augmenté de 100% en provenance de Tunisie, ajoutant que « l’Union européenne n’a pas montré assez de solidarité jusqu’à présent … Mais elle commence à comprendre la nécessité de faire preuve de plus de solidarité parce que ces gens ne restent pas sur l’île de Lampedusa. »

Mais prenant en compte les implications politiques d’une telle aide au régime tunisien actuel, une source diplomatique européenne a décrit la question de l’aide à la Tunisie comme un « dilemme » dès lors que l’UE « ne veut pas que le pays s’effondre » économiquement : « nous devrions trouver un moyen d’aider », mais d’un autre côté, « nous ne pouvons pas oublier l’importance des droits », car ce faisant, « nous risquons de déstabiliser le pays à long terme ».