Mesures sociales : Chahed marque des points politiques
Le chef du gouvernement a consacré un conseil ministériel restreint dédié à l’examen d’un certain nombre de dossiers sociaux brûlants en faveur des classes sociales les plus vulnérables : retraités, bénéficiaires du SMIG, et travailleuses rurales. Un effet d’annonce indissociable du combat politique qui oppose Youssef Chahed aux autres branches de l’exécutif. Décryptage.
« Des retraités manifestant, Place du gouvernement, pour réclamer le versement de leurs pensions, la Tunisie n’avait pas vu cela, de mémoire de sexagénaire », nous avait confié un retraité de la fonction publique. Devenue quasiment un sujet tabou au sein de la classe politique, l’embarrassante question des arriérés de paiements des pensions de retraite est l’une des plus symptomatiques d’une économie en berne, voire en faillite.
A l’issue de la réunion de la Kasbah, Youssef Chahed a logiquement en premier lieu annoncé le versement de leurs pleins droits aux retraités du plus nouveau au plus ancien des inscrits au CNRPS, et ce en effectuant « un décaissement sur quatre tranches dont la première avant Aïd Al Idha ».
SMIG, femmes rurales, et querelles politiques
Deuxième annonce phare, la publication de la dernière augmentation en date du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) dans le Journal officiel (JORT) dès vendredi. Décrétée depuis le 14 juillet dernier, cette augmentation substantielle de 6% (environ 22 dinars) devrait donc avoir un effet rétroactif. Une majoration qui devrait à son tour profiter aux retraités du régime CNSS dont ils ont été privés pendant les deux dernières années 2016 et 2017.
Chahed a ajouté que l'amélioration de la condition sociale des femmes travailleuses rurales, et surtout leur intégration inédite dans le système de couverture sociale et de santé, a également été abordée et qu’un accord a été signé pour permettre à pas moins de 500 mille femmes de bénéficier d’une couverture sociale.
A l’approche de la Fête de la Femme du 13 août prochain, il s’agit sans doute là d’une façon pour le chef du gouvernement de ne pas laisser la question féministe à la seule présidence de la République et ses annonces sociétales très attendues au sujet du grand chantier de la Colibe.
Populisme ? Prenant soin d’annoncer lui-même à la TV nationale cette batterie de mesures, et non de la déléguer à ses ministres, Youssef Chahed tente en tout cas manifestement d’apparaître comme l’homme des solutions, face à des impasses que l’opinion et l’opposition pensent être inextricables du fait de l’absence des fonds nécessaires à engager.
Dans la lutte fratricide qui l’oppose au camp de Béji Caïd Essebsi en vue des élections de 2019, le quadragénaire n'entend pas rester les bras croisés, et ne souhaite pas être tenu pour unique responsable d’un blocage institutionnel paralysant pour le pays, même s’il est donné pour démissionnaire avant la fin de l’année.
Seif Soudani