Mémoire sélective, le cas Nabil Karoui

 Mémoire sélective, le cas Nabil Karoui

Nabil Karoui


La vie politico-médiatique tunisienne continue d’être dominée par l'arrestation de Nabil Karoui survenue le 23 août. 


Il y a 1 an, le chef du gouvernement Youssef Chahed martelait qu’ « il n’y a aucune ligne rouge dans la guerre contre la corruption ». Il répondait alors à la polémique au lendemain du limogeage du ministre de l’Energie et des mines. Dans sa première interview post arrestation de Chafik Jarraya en 2017, le même Chahed promettait « une guerre de longue haleine qui ne protègera personne ».


Il semble que beaucoup ont en effet oublié que depuis mai 2017, une séquence éminemment politique a été lancée, nommée « guerre contre la corruption », et toujours en vigueur jusqu'à preuve du contraire. Cette « guerre » implique de facto de nombreuses mesures d'exception qui confinent à la suspension du droit traditionnel. Celles-ci incluent notamment des limogeages, des accélérations de procédures en cours, le mécanisme de l'auto-saisine, mais aussi la possibilité de saisir directement ou indirectement des structures sécuritaires, douanières ou judiciaires telles que le Pôle judiciaire financier, qui comme dans la plupart des démocraties, n'est jamais totalement indépendant du parquet et du ministère de la Justice, à l'instar des autres tribunaux.


 


Karoui et Jarraya, des profils mégalomaniaques


Dire que l'arrestation d'un concurrent direct à la présidentielle relève du suicide et du "mauvais timing", cela correspond à un postulat très discutable. Tout comme beaucoup (opinion publique, ONGs, etc.) ont applaudi à juste titre l'arrestation type commando de Chafik Jarraya, de très larges franges du peuple affectionnent la figure du responsable qui sait taper du poing sur la table et faire du rentre-dedans en matière de lutte anti corruption, quitte à risquer l'entrée dans un autoritarisme nouveau, au nom de cette compagne type "mains propres", sur le modèle de « mani pulite » en Italie. Un plébiscite qui a même donné lieu au slogan de campagne populaire actuel "Go Djo".


La plainte initiale d’I-Watch contre le groupe Karoui remonte à juillet 2016, et fut suivie par la constitution d’un imposant dossier de 700 pages aux ramification complexes mobilisant une enquête dans 4 pays différents et autant de paradis fiscaux. Une époque où Chahed n’était que ministre des Affaires locales du gouvernement Essid, mais une époque aussi où les ambitions politiques de Nabil Karoui n’étaient pas affichées.


 


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