« MBS » en Tunisie : une visite sous tension
Le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane est arrivé à Tunis ce mardi soir 27 novembre pour une visite controversée, marquée par des manifestations contre sa politique autoritaire ainsi que son rôle dans la guerre au Yémen. Analyse des enjeux d'une visite sous haute tension.
Premier fait marquant au-delà du contexte récent de cette visite : Mohammed Ben Salmane est le premier membre de la famille royale saoudienne à se rendre en Tunisie depuis la révolution de 2011. Le royaume wahhabite avait en effet œuvré depuis contre tout ce qui était en lien avec le printemps arabe dans la région.
Polémiques et manifestations hostiles
Des centaines de Tunisiens ont dès lundi et d’autres ont pris le relai tout au long d’aujourd’hui mardi dans le centre-ville de Tunis, Avenue Bourguiba, contre cette visite, aux cris de slogans radicaux tels que « Dégage assassin ! », et « Vous n’êtes pas le bienvenu ! ». Une campagne de boycott à laquelle le Syndicat national des journalistes tunisiens SNJT a relayée, au moment où le secrétaire général du syndicat Néji Bghouri se trouve à Damas en Syrie pour rencontrer Bachar Al Assad.
La Tunisie, seul pays à poursuivre sur la voie de la démocratisation après les soulèvements du Printemps arabe, « est un des rares pays arabes où l'on peut afficher de telles positions », souligne pour sa part Youssef Cherif, chercheur en politique internationale.
Cette brève halte de « MBS », dernière étape arabe, se déroule dans le cadre plus large de la première tournée du prince héritier à l'étranger depuis le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. Mohammed ben Salmane, qui s'est notamment rendu au Bahreïn et en Egypte, doit ensuite aller au G20 en Argentine.
Le prince héritier est pour rappel accusé par la presse et des responsables turcs d'avoir commandité ce meurtre, qui a suscité un scandale international et terni l'image de l'Arabie saoudite dans le monde. Les autorités saoudiennes démentent toute implication de sa part.
Sa venue en Tunisie « s'inscrit également dans la lutte entre d'un côté l'Arabie Saoudite, et de l'autre le Qatar, premier investisseur arabe en Tunisie, mais aussi la Turquie, un de ses principaux partenaires économiques », estime Cherif.
Par cette rencontre, après une série de visites ministérielles ces derniers mois, « les Saoudiens cherchent à contrer le Qatar et l'influence qu'il peut avoir » en Tunisie, explique le politologue.
Ryad, qui a accueilli l'ex dictateur tunisien Zine el Abidine Ben Ali chassé du pouvoir en 2011, n'apprécie guère en outre la place conquise par le parti islamiste Ennahdha, considéré comme proche du Qatar. Un recoupement d’intérêts fort propice pour Carthage donc, au moment où le conflit entre Béji Caïd Essebsi et Ennahdha est à son apogée.
Dans ces conditions, le président tunisien pourra sans doute se prévaloir d’une realpolitik source de retombées financières immédiates pour une Tunisie asphyxiée par la crise économique.